J’aime commencer les séries policières par la première enquête : l’auteur y présente son enquêteur, son passé, son bureau, sa famille, ses enfants… bref, c’est le début. J’ai donc abordé l’inspecteur Rebus (dont l’avant-dernière enquête vient d’être traduite en français) par le roman qui l’a fait découvrir.
John Rebus est inspecteur adjoint à Edimbourg, cette ville qu’il aime, même s’il pleut trop souvent et qu’il doit la partager avec les touristes qui n’ont d’yeux que pour le château et la statue de Walter Scott. Un meurtrier sévit en ville qui assassine de très jeunes filles en les étranglant, sans leur faire subir de sévices sexuels. Mais, sans preuves ni indices, l’enquête piétine. Et John aussi, à interroger des voisins, d’éventuels témoins qui n’ont rien vu de précis. Alors le soir, il a le temps, et l’envie, de retrouver les pubs d’Edimbourg et ses copains de beuverie. Parce que la vie privé de l’inspecteur Rébus n’est pas rose : divorcé, une fille de douze ans qui grandit trop vite, une foi malmenée par la réalité, et un passé de militaire qu’il voudrait oublier. Et ces lettres anonymes qu’il reçoit chez lui ou au boulot, très étranges, accompagnées d’une croix ou d’un nœud (le titre original est Knots and Crosses, qui désigne en anglais le jeu du morpion)…
Le lecteur se doute bien que lettres anonymes et meurtres ont un lien ; Rebus lui n’est qu’inspecteur adjoint, laissons-lui le temps… Et puis franchement, si l’enquête n’est pas vraiment exaltante (Rankin décrit surtout les ennuyeuses tâches administratives et la routine quotidienne d’inspecteurs fatigués), il serait dommage de ne pas découvrir cet enquêteur qui déjà, dès ce premier tome, jouit d’une grande épaisseur psychologique. Même si les divorcés taquinant la bouteille sont légions parmi les flics de papier, celui-ci a un énorme potentiel, avec un passé qui est au centre de l’intrigue. Et c’est bien John Rebus lui-même le thème de ce roman inaugural, bien plus que l’enquête qui est, me semble-t-il, prétexte à une présentation du héros et de la ville.
Donc, amateurs de courses poursuites, de speed et de gore, ce roman n’est pas pour vous. Le rythme est assez lent, permettant une découverte toute en nuance de ce héros et de sa ville. De même, si l’Ecosse vous manque ou vous tente fort, passez votre chemin : trépignements de frustration en perspective ! Même si
A Edimbourg, la pluie était digne du Jugement dernier. Elle imprégnait les os, les murs des immeubles et la mémoire des touristes. Elle s’attardait des jours entiers, martelait les flaques au bord des routes et provoquait des divorces – une présence glaciale, meurtrière et envahissante.
Loin de l’Écosse de carte postale, il y a l’Écosse de Ian Rankin. Donc, malgré une première enquête pas vraiment exaltante, j’inscris la seconde sur ma liste !
Ian Rankin sur Tête de lecture
L’étrangleur d’Edimbourg
Ian Rankin traduit de l’anglais par Frédéric Grellier
Le Livre de Poche, 2004
ISBN : 978-2-253-09055-7 – 285 pages – 6 €
Knots and Crosses, parution en Grande Bretagne : 1987