Me voilà assez partagée à l’issue de cette lecture car malgré de nombreux atouts évidents, ce roman n’a pas complètement comblé mes attentes pour ce qui est du registre policier.
Jean Corbel est jeune médecin à Paris. Il vit depuis quatre ans avec une jeune actrice, Sybille Auclair, au-dessus du magasin de couleurs de son père, au bord de la Seine. Une lettre d’un de ses confrères du Sud de la France et certaines découvertes morbides vont le lancer sur les traces d’un esthète d’un genre particulier, un homme qui reproduit les toiles les plus célèbres de Manet en photographiant des cadavres. Le meurtrier utilise des femmes ressemblant aux modèles du célèbre peintre, et notamment à Olympia qui posa pour le scandaleux tableau éponyme.
Le jeune médecin rencontre bientôt une ravissante prostituée entretenue par un mystérieux protecteur. Elle ressemble à Olympia, au même titre que Sybille d’ailleurs, et il ne faudrait pas trop le pousser pour qu’il succombe aux charmes tarifés de la jeune femme.
L’enquête tourne autour de l’art et de la folie, deux thèmes qui ont retenu mon attention. Régis Descott entraine son lecteur jusque dans la clinique du docteur Blanche, là où séjournèrent les « fous » les plus prestigieux du XIXe siècle. Pourtant, en cette année 1885, les émules de Charcot font entendre leurs voix et le célèbre aliéniste ne sera bientôt plus à la pointe en matière de traitement des maladies mentales.
J’ai beaucoup aimé la description du quotidien du docteur Corbel. Il travaille plus que de raison, dans les pires conditions, pour soulager le petit peuple parisien, mais sa propre situation n’est guère enviable :
« Soixante pour cent des médecins parisiens ne gagnaient pas de quoi vivre décemment, certains n’atteignaient pas le seuil de survie des trois mille francs. Même les charges officielles étaient misérables. […] La plupart des médecins gagnaient moins que la plupart des ouvriers, qu’il s’agisse de colleurs de papier, de charpentiers, de marbriers, de peintres en bâtiment ou de charretiers.«
Les visites de prostituées à son cabinet, celles qu’il donne à domicile montrent très bien la misère de tous ces gens qui s’entassent dans la plus grande promiscuité et pour le plus grand plaisir de la syphilis, du croup et autres microbes. Qui donnent d’ailleurs lieu à de belles descriptions :
« Après sa première réaction de répulsion, Jean approcha son visage de la région pubienne. Formant un archipel couleur corail, une éruption de syphilides pustulo-crustacées serpigineuses semblait sortir du vagin et essaimait vers le périnée, les racines des cuisses et les aines. A cet instant, ce n’était plus une femme souffrante, ni même une patiente qu’il avait en face de lui, mais un sujet d’études, et ces lésions cutanées objectivement atroces lui apparaissaient dans toute leur beauté clinique. De un à cinq centimètres de diamètre, les croûtes étaient noirâtres, saillantes, coniques, stratifiées comme des écailles d’huitres, et entourées d’une auréole cuivrée, cette fameuse coloration qui aussitôt évoque la syphilis et que Fallope, dans le traité qu’il consacre à la maladie au XVIe siècle, comparait à du maigre de jambon ».
Je suis moins convaincue par l’intrigue elle-même, dont la résolution tient à un nombre de coïncidences qui dépasse le seuil du vraisemblable, comme le remarque le héros lui-même (« Un hasard extraordinaire avait voulu que sa mère soit internée chez Blanche et confiée aux bons soins de Gérard« ). Et j’ai toujours beaucoup de mal avec ces romans qui se résolvent à coups de hasards extraordinaires…
Régis Descott sur Tête de lecture
Obscura
Régis Descott
Lattès, 2009
ISBN : 978-2-7096-3008-5 – 397 pages – 20 €
Ah dommage pour ces coïncidences… l’ensemble avait l’air plutôt intéressant!
Tout est effectivement très bien documenté et agréable à lire. C’est la trop facile résolution de l’énigme qui me déçoit.
Je ne lis pas ton avis parce que c’est ma prochaine lecture après « Labyrinthe ». Je reviendrai sous peu 😉
J’irai donc voir ça, bonne lecture !
Je ne suis pas tentée, les hasards extraordinaires m’agacent moi aussi!
D’autant plus quand on est resté bien accroc pendant tout le livre, c’est décevant…
Ah… décidément !
Je garde un très bon souvenir de ce roman car j’avais beaucoup apprécié cette plongée dans le Paris du 19ème siècle ainsi que l’histoire, bien menée.
Nous ne sommes en effet pas sur la même longueur d’ondes question romans policiers. En fait, j’ai aussi beaucoup apprécié la description de Paris et la vie quotidienne de ce médecin, ça m’a beaucoup plu. Mais à la fin, il y a beaucoup trop de coïncidences et de hasards heureux pour emporter ma totale adhésion. Et c’est bien dommage.
Le thème aurait pu beaucoup m’intéresser, mais je sors des invraisemblances avec « intrusion », alors non merci.
J’ai lu ton billet sur Intrusion et c’est vrai qu’il ne suffit pas de savoir mener un suspens pour faire un bon polar, il faut aussi que les personnages et les situations tiennent la route.
Ah, il est inscrit à ma lal depuis pas mal de temps celui-là 😉
Dommage un peu pour l’énigme…
En tout cas pour ma part il est à la biblio, il me suffira juste de l’emprunter
Je t’engage à l’emprunter tout de même car il a bien d’autres qualités.
Bouh ces dénouements trop faciles, ça devient une véritable épidémie !!!
Oui, c’est rageant ces intrigues qui finissent beaucoup trop facilement alors qu’elles nous ont tenus si bien en haleine !
Cela me donne quand même bien envie d’essayer ce roman, même s’il risque de me décevoir par rapport à celui que j’ai lu « Caïn & Adèle »… 😉
Je ne renonce pas à l’auteur pour autant. Je me souviens que Caïn et Adèle est la suite de Pavillon 38 qui est une histoire de fous que j’ai à la bib. Donc, je garde en note. Et merci d’être passée !
Moi aussi je suis allergiques aux invraisemblances trop criantes dans les policiers.
Alors il vaut mieux ne pas essayer en effet, tu serais déçue.
Ce roman me fait fuir, de par ses thèmes et le nom de Charcot aussi.
Moi c’est l’inverse : un roman avec Charcot et je saute dessus !
Je suis bien trop débordée pour me laisser tenter. Mais la couverture est magnifique.
Heureusement qu’ils n’ont pas mis la version avec des cadavres 🙂
Sa fait un petit moment que j’ai noté ce livre sur mon carnet!
Mais j’attendrai encore un peu avant de l’acheter! 🙂
Bonne gestion du carnet, c’est bien d’être raisonnable comme ça !
Il a l’air intéressant pourtant
Il l’est, d’un point de vu historique et social. ET il est aussi agréablement écrit, c’est juste l’intrigue que je ne trouve pas aboutie.
J’avais bien aimé ses précédents, et celui-ci me tentait aussi.
Je le retenterai certainement car bien des choses m’ont plu dans ce livre.
Malgré ton côté « pas totalement convaincue », je le note quand même… l’art et la folie, je suis prête à tenter le coup!!!
Ce sont moi aussi deux sujets qui m’attirent.
Bon alors je l’ai fini ce matin et je dois bien dire que je suis déçue, mitigée sur ce bouquin. J’en attendais quelque chose de différent dont le fil de l’histoire aurait été fait de sorte que le côté policier soit plus prononcé. Mon avis n’est pas encore en ligne. Il va falloir que je cogite pour ça. Mais il rejoindra dans les grandes lignes le tien.
Je note tout de même, au cas où au « hazard » ce livre croisait ma route. Car le pitch et le sujet me tentent tout de même bien.
Belle de nuit vient d’en faire un livre voyageur.
Je viens de chez Belle de Nuit et je persiste après la lecture de ton billet, ce roman m’intéresse de plus en plus, non pas à cause de l’intrigue (j’ai compris qu’elle était mineur), mais en raison de l’aspect médico-social et des descriptions de Paris au 19e Siècle. Je me suis inscrite chez Belle de Nuit qui en a fait un livre-voyageur. Je verrai donc à l’issue de cette lecture si cet ouvrage m’a plu ou pas !
Si tu le lis moins pour l’intrigue que pour le reste alors je suis sûre qu’il te plaira car l’auteur est vraiment très bien renseigné et fait bien passer ce qu’il sait.
J’ai terminé le livre il y a peu et je partage le même avis. C’est très dommage que Régis Descott n’ait pas su articuler proprement son intrigue : les digressions ralentissent le rythme de l’enquête et finalement, le lecteur peut être déçu. Mais il ne s’agit pas de dégoutter les potentiels lecteurs car bien des éléments de ce livre m’ont plu, notamment, les références faites à Charcot, Blanche ou encore Troppman. Ca m’a vraiment donné envie d’en apprendre plus sur la façon dont était autrefois envisagée la psychopathologie. Très intéressant.
A bientôt!
Moi aussi, les éléments sur la psychiatrie, et la médecine de l’époque en général, m’ont beaucoup intéressée. J’ai été plutôt déçue par l’intrigue.