Ce livre est un long monologue, celui d’Arsène Le Rigoleur, on ne peut plus Breton. Le vieux de la ferme d’en face est mort et une famille avec deux jeunes enfants, Louis huit ans et Juliette cinq ans, retape la maison et s’installe. Méfiance des deux côtés, mais c’est Arsène qui a la parole et qui nous conte avant tout ses souvenirs, de plus en plus inquiétants au fur et à mesure qu’on tourne les pages.
Difficile d’en dire beaucoup sans déflorer le personnage qui mérite d’être découvert comme l’a voulu l’auteur, c’est-à-dire d’insinuations en petites révélations. Le lecteur comprend qu’Arsène porte un passé familial très chargé et qu’en particulier, il est hanté par son frère aîné mort-né. Alors même si les parents de Louis et Juliette en font trop dans la méfiance au départ, le lecteur qui s’est pris d’affection pour ce taiseux qui pense beaucoup finit par craindre pour les enfants, à tort ou à raison, qui sait, l’angoisse monte petit à petit.
Fabienne Juhel maitrise vraiment bien son récit et parvient à faire passer le lecteur par toute sorte de sentiments et de soupçons envers son narrateur. Il en dit assez pour qu’on s’attache à lui, tout bourru qu’il est, mais aussi assez pour qu’on le soupçonne du pire puis qu’on en veuille aux parents d’être trop méfiants. Ça suinte finalement la folie tout ça, le délire morbide et les vieilles croyances séculaires. Les dernières pages se tournent d’elles-mêmes.
J’ai eu un peu de mal au départ avec le style adopté par Fabienne Juhel qui adopte le langage oral, « un parler populaire plein de verdeur, ironique et violent » dit la quatrième de couverture. Ce qui entraine en particulier systématiquement des négations amputées du « ne », il faut s’y faire.
« Je vais pour lui répondre quand une mouche entre dans mon champ de vision. Une qui zouzoune. Une emmerdeuse du genre humain. Aussitôt mes yeux la capturent pour plus la lâcher. Il peut parler l’autre, je suis tout entier concentré sur ma mouche. Je la suis dans son vol. Elle change de palier et survole la table. Elle commence une manœuvre d’approche, sort son train d’atterrissage. Et ça a pas manqué ! La voici posée sur le plat. Elle a des vues sur mon bout de jarret. Pour l’instant, elle se contente de pomper les taches de gras sur le pourtour de plat. Minaude et fine bouche en plus de ça. Je la surveille du coin de l’œil.
D’habitude, je fais très attention pour que les mouches, elles entrent pas dans la cuisine. Je déteste ça, les mouches, surtout les bleues, pareil pour les vertes, celles qui se posent sur les lèvres des morts. J’ai vu ça. Des vieux couchés dans un lit aménagé dans le séjour pour recevoir les proches. On ferme les volets, on brûle du papier d’Arménie, mais ça suffit pas toujours.
Le Père, on l’a gardé trois jours dans la salle. Les mouches, elles nous ont suivis jusqu’au cimetière. »
C’est morbide, bien construit et finalement agréable à lire et prenant. Une première découverte due au hasard d’une belle rencontre.
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A l’angle du renard
Fabienne Juhel
Le Rouergue, 2009
ISBN : 978-2-84156-994-6 – 234 pages – 17 €
Je l’ai lu il y a quelques mois et je dois avouer que je n’ai pas aimé… et pas compris la fin…
Il faut dire que c’est un peu malsain, je comprends que ça mette mal à l’aise…
Il est dans ma PAL depuis plusieurs mois. Ton billet m’intrigue, il faudra sans doute que j’aille y voir de plus pres !
Je t’y engage vraiment. C’est très France profonde, mais tellement tourmenté aussi que c’est un vrai plaisir !
J’ai bien aimé ce livre même si la fin m’avait laissée perplexe. Le style m’avait beaucoup plu.
La fin est très étrange en effet, elle s’apparente au rêve et laisse la porte ouverte, je pense.
Ce n’est pas pour moi, je le crains… je ne saurais pas trop dire pourquoi, le morbide ça ne me dérange pas forcément, mais là…
La Bretagne peut-être…
Une de mes belles découvertes de l’an dernier.
ce fut pour moi aussi une très belle découverte.
je lis très bientôt 😛 (pas que à cause de toi, mais ton avis est une raison en plus 😉 )
Prix Étonnants Voyageurs de l’an dernier peut-être…
Un roman qui ne me tente pas. Pas trop mon style, et surement trop malsain.
C’est vrai que c’est un goût que nous ne partageons pas, une certaine attirance pour le glauque que je tiens de je ne sais où…
Il est dans ma PAL depuis trop longtemps. Il faut absolument que j’arrive à le faire remonter.
J’espère bien que mon billet y contribuera !
Un livre dérangeant dont le ton me revient en mémoire en lisant ton billet.
Dérangeant oui, et ça me plait bien.
J’ai beaucoup aimé aussi. Les autres livres de fabienne Juhel sont très bien écrits mais il manque la force du Noir très présente ici..
J’espère que les prochains seront au moins aussi bons que celui-là.
Un style particulier, et une histoire morbide ? Deux points qui ne me donnent pas envie de le découvrir. 😉
Bon, je te l’ai déjà dit ailleurs mais pas de raisons que je ne le refasse pas ici : tu m’as donné envie d’y regarder de plus près. Reste à savoir quand… 😉
Bientôt j’espère, c’est un bon roman français, c’est pas tous les jours 😉
Ca a l’air morbide mais je ne dis pas que je ne le lirai pas un de ces jours.
Oui, retiens ce titre, il vaut la peine.
Je l’ai lu il y a quelques mois, je viens de relire mon billet car j’étais incapable de me souvenir de mon avis! J’avais aimé cette lecture, mais je n’en garde pas grand-chose aujourd’hui… J’ai d’ailleurs oublié en quoi consistait le passé d’Arsène…
Je ne sais pas ce qui me restera de l’intrigue dans plusieurs mois, mais en tout cas j’ai beaucoup apprécié l’ambiance.
J’aime bien le glauque habituellement aussi mais là, l’extrait ne me donne pas du tout envie.
L’extrait est très représentatif donc il ne vaut effectivement mieux pas le tenter…
Tentée je suis, depuis qu’il avait fait partie de la sélection d’un prix, il y a un moment…
Il a déjà obtenu le pris Étonnants Voyageurs l’an dernier.