La peine du menuisier de Marie Le Gall

La peine du menuisier de Marie Le GallÇa n’est pas le vent du grand large qui souffle sur ce roman breton, définitivement pas. Ici, tout est renfermé, oppressant, lugubre. Ce récit d’une enfance brestoise dans les années 50 ne résonne pas non plus de l’innocence de cette période-là de la vie, de ses espoirs et de ses joies. La narratrice, Marie-Yvonne, est née trop tard, de parents déjà vieux qui auraient bien voulu la faire passer et pleuraient encore leur fils mort peu avant. Toute son enfance se passe sous le signe de la mort, avec images encadrés des chers défunts qui envahissent la maison et la vie.

Sans comprendre ce que la maison murmurait, je sentais confusément que j’étais entrée dans un tombeau. Tous les corps avaient disparu. Ils n’étaient plus que poussière, comme la poussière des murs, celle du plafond, du plancher du premier et du sol en terre battue. Et pourtant, ils étaient là.

La famille, c’est la grand-mère Mélie, qui finira dans un hospice, la grande sœur, aînée de dix-neuf ans, handicapée mentale, internée elle aussi, Louise la mère et le Menuisier, ce père qu’elle n’appelle jamais papa, pas plus qu’elle n’appelle sa mère maman. Tous ces gens-là vivent dans la plus grande intimité, sous le même toit et pourtant, il n’y a plus étrangers les uns aux autres : jamais ils ne se réjouissent, jamais ils ne font la fête, jamais ils ne se parlent.

Les mots n’étaient pas pour nous. Et quand parfois ils existaient, nous savions que ce n’était que de pauvres écrans. Les vibrations du silence étaient toujours les plus fortes. C’était quand je ne l’entendais pas que je l’entendais le plus, et lui de même. C’est-à-dire tout le temps. Nous avancions dans un silence assourdissant.

Bien entendu, le roman contient très peu de dialogues, mais beaucoup de descriptions qui page après page alourdissent ce roman absolument déprimant. Arrivée à la scène de l’avortement d’un bébé de cinq mois à l’aiguille à tricoter pendant la guerre, j’ai compris que je n’irais pas beaucoup plus loin dans ma lecture.

L’ambiance village breton traditionnel, avec la messe et les coiffes, mais quand même le Leclerc qui ouvre non loin ; le poids des secrets qui engendre le silence, l’enfermement sur soi et l’imagination morbide ; le style sans fioriture, sec et froid, totalement dénué de vitalité : rien de tout ça n’a pu retenir mon attention, déjà bien peu en phase avec ce genre de livre au départ. Je trouve certains passages démonstratifs, tendant vers le misérabilisme austère et froid.

D’après ce que j’ai lu ici ou là, la part autobiographique est prépondérante dans ce roman. Et c’est certainement ce qui empêche Marie Le Gall de prendre de la distance avec  son texte, en écrivant une histoire où chacun, même ceux ayant vécu une enfance heureuse, pourrait partager ce genre de destin tragique. Il n’y a aucun distance dans ce texte et peu de place pour des lecteurs qui, comme moi, n’envisagent pas les accumulations de malheurs et autres tragédies sans un certain agacement. Cette histoire est sans doute bien triste mais elle ne me touche ni ne m’intéresse. A vrai dire, elle m’ennuie profondément. Abandon page 188…

 

La peine du menuisier

Marie Le Gall
Phébus, 2009
ISBN : 978-2-7529-0413-3 – 283 pages – 20 €

63 commentaires sur “La peine du menuisier de Marie Le Gall

    1. Remarque, je supposais avant de le lire que ça n’était pas non plus pour moi, je l’ai lu dans le cadre d’un prix de lecteurs.

  1. Il me semble pourtant que je l’ai déjà noté mais vu ton billet je ne crois pas que je puisse aimer cette lecture!

  2. Bon, je t’avoue que quand j’ai vu le titre de ton billet, je me suis dit « voyons voir », et je n’ai pas été déçue, abandon!!! Je précise que je n’ai pas lu ce roman qui par ailleurs a bien plu, mais pas à toutes , tu n’es pas seule.

  3. Je comprends mieux grâce à ton billet pourquoi certaines blogueuses n’entrent pas dans ce roman. Tu l’exprimes fort bien.
    Je suis bretonne et je vis depuis toujours en Bretagne. Je connais ses traditions, sa mentalité et je retrouve beaucoup de choses dans ce livre, qui pour moi a été un coup de coeur. Ceci dit je te rassure, mon enfance a été moins déprimante que celle de Marie Le Gall !

    1. Je ne doute pas que les bretons (même heureux !) peuvent si retrouver. Mais c’est bien trop psychologiquement plombé et personnel. Il n’y a pas de place pour moi dans ce livre, c’est un des reproches principaux que je lui fais.

  4. D’après ce que mes collègues m’avaient dit de ce roman….. je pariais qu’il ne te plairait pas ! Comme quoi on connait bien les goûts des copines blogueuses 😀

    1. Je ne l’ai pas vu en conférence, mais je l’ai vue (elle était beaucoup en dédicace). La Bretagne, ça devrait quand même te parler à toi.

  5. Comme tu le dis si bien, il y a un problème de distance dans ce livre. De l’auteur vis à vis de son histoire et du lecteur vis à vis de ce récit. Je suis restée en dehors aussi et n’ai éprouvé aucune empathie…

    1. Ce que je souhaite à Marie Le Gall c’est que maintenant qu’elle a écrit ce livre, elle puisse littérairement passer à autre chose.

  6. Je ne l’avais pas noté malgré les nombreux billets et tu confirmes très explicitement qu’il est inutile que je cherche un espace vide dans le carnet !

  7. Je lis plein d’avis contradictoires sur ce livre, mais il continue malgré tout de m’intriguer… Je vais me le faire prêter tiens !

  8. « Tiens, tiens… », me suis-je étonnée, « Ys a lu ce livre ? Je n’aurais pas parié là-dessus ! »
    Bon, ton abandon me rassure : personnellement, malgré les bonnes critiques lues ici ou là, ce livre ne m’a jamais attirée et ton expérimentation confirme cet a priori de « pas pour moi » (ni pour toi 😉 )!

  9. J’ai été étonnée de voir ce titre chez toi. Il ne m’a jamais tentée et tu me donnes des arguments pour que ça continue ainsi 🙂

    1. Nous avons eu hier la soir la première réunion du club des lecteurs pour le prix… j’ai choisi des auteurs français, pas trop médiatisés, dans l’intention de les inviter ensuite, au moins le gagnant. Une seule des personnes présentes avait lu ce livre et était du même avis que moi. Je verrai bien la prochaine fois ce que les autres en penseront, mais s’ils trouvent tous ça plombant, l’année prochaine, je ferai une sélection à se tordre de rire !

  10. C’est très exactement la réflexion que je me faisais en écrivant le commentaire ( dit la fille trop gâtée qui ne sait toujours pas par lequel commencer 🙂

  11. Et bien, je vois que ce n’est pas la peine de prendre mon carnet et mon stylo pour noter le titre ! Et puis l’avortement à l’aiguille, c’est au dessus de mes forces…

  12. Ah oui… des accumulations de malheurs… ça me fait peur parce que ça m’énerve toujours!! Mais bon, il y a tant d’avis positifs que j’hésite encore!

  13. Elle est très mitigée Choco lol…
    J’ai bien aimé l’écriture en fait mais je suis restée en dehors de l’histoire. Bof bof donc.
    J’imagine même pas ton avis si tu étais allée jusqu’à la révélation finale ! Perso, j’ai pas compris le fort impact que ça a pris… mais c’est bien connu que je suis une fille insensible lol

    1. je prends ma place à tes cotés dans le rayon des prétendues insensibles… j’ai un petit cœur qui bat pourtant, mais bon, pas pour ce genre de livre…

  14. J’ai hésité à acheter ce livre à la foire de Brive, ton avis est vraiment négatif et les points négatifs que tu soulève me dérangent mais je suis tout de même intéressée par cette lecture.

  15. Je suis en pleine lecture de ce livre. j’ai eu beaucoup de mal avec les 100 premières pages et depuis, ça le fait, j’y ai trouvé ma place et l’apprécie.

  16. Enfin je trouve quelqu’un qui a le même avis que moi, j’avais lu tellement de billets qui étaient positif que je me suis lançé mais comme toi, je l’ai abandonné, j’ai tenu moins longtemps que toi, je n’ai pas été plus loin que la page 100… J’ai trouvé ce livre déprimant, plombant, glacial… Bref je ne comprends pas pourquoi il a été tellement apprécié !

    1. Ça fait toujours plaisir de se sentir moins seule, c’est vrai, et moi non plus je ne comprends pas l’engouement des lecteurs pour ce livre…

  17. Je l’avais lu pour la rentrée littéraire l’an dernier et vraiment il m’était tombé des mains, à lire ton article et certains commentaires je vois que je ne suis pas la seule !

    1. Je croyais aussi que l’enthousiasme était plus général autour de ce livre et constate à l’occasion de ce billet qu’il n’en est rien…

    1. J’ai lu le billet de Leiloona sur ce livre qui a dû avoir le même ressenti que toi. C’est un livre qui parle aux sentiments et je comprends qu’il puisse toucher.

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