« Ce roman, avec pour cadre l’Ecosse du XVIIe siècle, raconte les amours tragiques de deux jeunes gens, Lucie et Edgar qui appartiennent aux familles ennemies des Ashton et des Ravenswood. » Heureusement pour moi, je n’avais aucune envie de lire une histoire d’amour tragique entre deux jeunes gens au XVIIe siècle car je me serais certainement ennuyée à cette lecture qui en plus se déroule au début du XVIIIe, au temps de la reine Anne. L’intérêt pour moi était de lire un roman historique écossais de Walter Scott dont le sujet importait peu.
Edgar Ravenswood est l’ultime descendant d’une illustre famille jadis puissante mais tombée dans la misère en raison d’une gestion désastreuse de ses biens. Le château familial a été racheté par sir William Asthon, lord Garde des Sceaux, récemment anobli. La vengeance bout dans les veines de l’impétueux jeune homme. Celui-ci sauve un jour la vie du Garde des Sceaux et de sa fille, sans savoir qui ils sont. Il les découvre alors tous deux et se rend compte de l’esprit de conciliation du père qui ne semble pas du tout arrogant et supérieur (il craint en fait que le jeune homme fasse appel de ses droits devant une cour de justice anglaise qui viendrait annuler ce que l’écossaise lui a attribué). Les deux hommes deviennent quasiment amis, séjournant chez l’un et chez l’autre et bien sûr, un tendre attrait attire Edgar et Lucie sans que le père trouve à y redire. Oui mais voilà, c’est sans compter sans la mère, lady Ashton, celle qui porte culotte à la maison et qui n’a pas du tout l’intention de lier son ancestrale noblesse à celle des Ravenswood.
J’ai dévoré ce livre en une très pluvieuse journée écossaise. Et ce fut un grand plaisir. Et comme tous les plaisirs, il vaut certainement mieux le goûter avec parcimonie sous peine d’être rapidement rassasié, voire débordé par la prose ample et bavarde de Walter Scott. Les descriptions sont nombreuses, parfois stéréotypées, les phrases sont longues. Il y a un plaisir musical à s’immerger dans la prose de Scott, à se laisser emporter par ses vagues harmonieuses. Et si des amours de Lucie et Edgar il est certes question, leur déroulement est loin de former le gros du livre. Il est surtout ici question de la chute de la famille Ravenswood, de ses moyens de subsistance, des changements opérés chez sir William et Edgar, de la vie dans les campagnes écossaises.
Ce qui m’a le plus surprise ce sont les scènes de comédie, très nombreuses, portées par le dernier domestique d’Edgar Ravenswood, Caleb. Il vit avec son jeune maître dans leur dernier château familial, la tour en ruine de Wolf’s Crag. Il n’y a là plus rien à boire ni plus rien à manger, à peine quelques meubles. Mais les aventures d’Edgar le poussent à recevoir, bien malgré lui, des hôtes de marque, pour le plus grand désespoir de Caleb. Et parce qu’il ne veut pas que les gens comprennent cette honteuse pauvreté, il n’a de cesse d’inventer des expédients pour expliquer pourquoi il n’y a rien à manger, pourquoi il n’y a ni de vaisselle en étain ni tapisseries aux murs. Et le vieil homme ne manquant ni de faconde ni d’imagination, il en résulte des scènes très drôles qui mettent dans l’embarras jusqu’au maître lui-même tant elles sont tissées de mensonges et d’élucubrations.
A l’autre bout de l’échelle des personnages charismatiques, lady Ashton, l’intransigeance et la rigidité faites femme, est aussi très réussie. Son portrait est fait très tôt dans le livre et laisse planer l’inquiétude sur les relations d’abord harmonieuses entre les deux jeunes gens. À son arrivée, après plus de trois cents pages, le drame se noue, irrémédiablement.
« Lady Ashton était d’une naissance plus distinguée que celle de son mari. Elle en tirait parti à l’extrême pour maintenir et accroître l’influence de lord Ashton sur les autres, et en même temps que, si elle disait vrai, sa propre influence sur lui. Elle avait été fort belle, elle gardait encore un port noble et majestueux. Douée par la nature d’un caractère énergique et de passions violentes, elle avait appris à user de l’un et à cacher les autres. Elle observait sévèrement, étroitement, les formes extérieures de la religion ; elle recevait avec une magnificence voisine de l’ostentation ; son ton, ses manières, calquées que ce qui était, à l’époque, le modèle le plus apprécié en Écosse, étaient graves, dignes et strictement réglés par les lois de l’étiquette. Sa réputation n’avait jamais donné prise à la calomnie. Et néanmoins, au mépris de qualités pareilles faites pour inspirer le respect, jamais on ne parlait de lady Ashton en termes de sympathie ou d’affection. »
Le contexte historique particulier de ce coin du monde demandera peut-être quelques connaissances préliminaires (sur les presbytériens, l’Église épiscopale, les Jacobites…), mais rien qui n’aille au-delà de deux ou trois pages de lecture sur Wikipédia.
La fiancée de Lammermoor
Walter Scott traduit de l’anglais par Louis Labat
Stock (La Cosmopolite), 1993
ISBN : 2-234-02615-6- 502 pages – épuisé dans cette édition
The Bride of Lammermoor, parution en Grande-Bretagne : 1819
Tiens, pas lu celui là, et pourtant j’ai lu les principaux, Ivanhoe, Quentin Durward (en France, avec Louis XI!), Richard coeur de lion. Oui, un peu stéréotypé, mais plaisant quand même.
Je vois que les vacances en Ecosse ont été studieuses…
J’avais envie d’un Walter Scott se déroulant en Ecosse, voilà pourquoi j’ai choisi celui-ci. Et oui, j’ai beaucoup lu, beaucoup marché et visité, de vraies vacances !
pas pu trop lire, même s’il a plu… j’ai conduit, j’ai dormi et j’ai visité !
J’ai eu la chance de na pas conduire durant notre périple d’environ 3000 km., quand même… en revanche, je lis en voiture, sur l’autoroute, ça vaut le coup !
Tu me donnes envie de découvrir Walter Scott. Je vais regarder ça de plus prêt.
J’en suis ravie. Pour ma part, c’était le deuxième roman de Scott que je lisais, et le plaisir est toujours le même, pourvu qu’on sache à quoi s’attendre.
C’est un auteur que j’ai prévu de lire (la liste en est longue…) mais ce roman me paraît un peu long pour une première découverte, il faudrait que je trouve plus léger !
C’est sûr, il est épais, mais je t’assure qu’il se lit tout seul : les rebondissements, l’aventure, tout ça… non vraiment, on ne les compte pas, ces pages.
Je n’ai pas lu celui-ci, je n’en connais que la version opéra qui se concentre sur l’histoire d’amour. J’espère que tu nous montreras tes photos de voayge…
J’ai pris beaucoup de photos, pas toujours bonnes (pas la faute des paysages, bien sûr !), je me servirai des meilleures pour illustrer mes billets écossais.
Voilà qui me rajeunit!
Quentin Durward, Ivanhoe, c’est d’excellents souvenirs de lecture adolescente. Rien que cela me donne envie de lire celui-ci, pour (ré)écouter l’opéra ensuite.
Merci de ce compte rendu dépaysant!
Et puis, lire Walter Scott en Ecosse, c’est vraiment approprié!
J’avais dans mes bagages plusieurs auteurs écossais, vous allez tous profiter du dépaysement pendant quelques jours !
Véritable tragédie, magnifiquement écrite.
De plus le domestique apporte effectivement une touche humoristique particulière au roman.
Un très bon roman.
En vérité, je ne pensais pas que ce livre me plairait autant. Je m’attendais à quelque chose de beaucoup plus suranné, à l’écriture vieillotte. Mais l’écriture est juste parfaite.
Il a l’air chouette ce livre. je le note !
Avec l’option « voyage en Écosse », c’est encore mieux !
Ivanhoe, Quentin Durward, oui, lectures presque obligées de mon adolescence mais celui-ci , pas encore.Je reprendrais bien cependant un peu de Valter Scott!
Long mais beau voyage apparemment!
Long, ah bon ? Je n’ai pas encore tout vu pourtant, l’Écosse étant une vaste et magnifique terre de voyage et de découverte.
Etant jusqu’ici passée à côté de Walter Scott je note ce titre pour faire connaissance mieux vaut tard que jamais
Ce Walter Scott vaut le détour visiblement, et je suppose qu’en étant « dans l’ambiance », c’est encore mieux. Mais si j’attends d’aller en Ecosse pour découvrir ce livre…
(Si Série Z te tente je te le prête volontiers !)
Je voyais par ma fenêtre (parce que lire en extérieur, même en été, pas facile…) les moutons et les arbres ployant sous le vent : superbe. (je commande Série Z pour la bib, merci pour la proposition)
Jamais lu cet auteur, je note 😉
Il faut absolument réparer ça !
Je ne le lirai que si je vais en Écosse ! Voilà qui est dit.
Compte sur moi pour te l’offrir à ce moment-là 😉
Hou. L’ecosse fin 18ème… Pas vraiment my cup of tea ! J’espère que tu as passé de bonnes vacances. Aurons nous un petit reportage ?
Je glisserai quelques photos dans mes futurs billets !
Il faudrait qu’un jour je lise du Walter Scott…
Mais oui, il faudrait, et tu ne perdras pas ton temps !
Jolie maisonnette ! 😉
N’est-ce pas… je ne m’attendais pas à quelque chose d’aussi cossu. Et l’intérieur est magnifiquement meublé, regorge encore de tous les objets qui faisaient le quotidien de l’auteur, des centaines de livres, des armures, des épées, des portraits, c’est très vivant. Une excellente visite.
The big Walter ! Encore un monument auquel il faudrait que je m’attaque 😉 !
C’est impressionnant comme ça, mais en fait très plaisant.
Walter Scott, rien lu encore mais le contexte de ce livre me plait par contre les 502 pages me font un peu peur.
A la lecture, il ne pèse pas ses cinq cents pages, je le jure !
Tu viens de me donner envie de découvrir cet auteur, avec ce roman. Très bel critique…
Ça me fait très plaisir et j’espère que tu apprécieras ta lecture.
Il est sur la liste depuis un long moment celui-là… j’aurais vraiment voulu visiter la maison de Walter Scott en Écosse… va falloir que j’y retourne!
C’est certain, un voyage ne suffit pas pour visiter cette région magnifique !
Voilà un livre qui pourrait bien me plaire, pas tant pour le romantisme mais pour la « lutte » des classes.
Traitée de façon beaucoup moins manichéenne que je ne pensais, c’est très intéressant de ce point de vue-là aussi.
J’ai très envie de lire ce livre, mais j’espère qu’il sortira en poche, sinon je vais devoir me le taper en anglais, et Walter Scott en anglais, ça fait un peu peur quand même 🙂 Oui il y a beaucoup d’humour chez Walter Scott, c’est l’un des côtés que j’aime, c’est sérieux sans que tout soit pris au sérieux. Es-tu allée visiter sa « maison »?
Oui, j’ai visité cette superbe demeure. Elle est magnifiquement meublée, remplie d’objets personnels, c’est un grand plaisir.
Argh, je suis jalouse! A chaque fois que j’ai voulu y aller, je n’ai pas réussi ! Mais j’y arriverai un jour 🙂
Voilà un livre qui semble intéressant! Merci pour cette découverte!
Un redécouverte plutôt, et c’est toujours agréable.