Un bûcher sous la neige de Susan Fletcher

Un bûcher sous la neigeDans Un bûcher sous la neige, Susan Fletcher choisit de romancer des événements historiques. En février 1692 eut lieu dans la vallée de Glencoe, en Écosse, le massacre du clan MacDonald. Les victimes étaient Jacobites, partisans du roi Jacques, un Stuart, alors en exil en France, et les bourreaux Orangistes, soldats du roi Guillaume d’Orange, dit le Hollandais. Mais il fut si injuste et cruel que certains soldats s’enfuirent, refusant de tuer femmes, enfants et vieillards, même MacDonald.

Susan Fletcher romance ce drame en donnant la parole à Corrag, une jeune femme libre et sauvage venue d’Angleterre pour fuir les accusations de sorcellerie qui avaient déjà causé la mort de sa mère et de sa grand-mère. Elle s’installe dans un vallon solitaire, découvre les Highlands et les rudes MacDonald, aux mœurs réputées sauvages et impitoyables. Elle trouve pourtant là le repos et la liberté, on l’appelle Sassenach, l’Anglaise, et non plus gueuse, sorcière ou putain. Elle vit de la nature, soigne les gens avec les plantes et s’éprend en secret du plus jeune fils du chef, Alasdair Og MacDonald.

Mais le vallon n’est pas en paix car le roi Guillaume veut que les chefs de clan signent un serment d’allégeance. Mais le MacIain ne se presse pas et quand il se met enfin en route, il arrive six jours trop tard, six jours après la date fixée par le roi. Il signe pourtant et rentre chez lui, confiant. Quelques jours plus tard, les soldats arrivent à Glencoe et demandent l’hospitalité. Ils sont accueillis, logés, nourris et dans la nuit du 12 février, la tuerie commence.

Mais, nous dit Susan Fletcher dans Un bûcher sous la neige, Corrag a su, Corrag a prévenu Alasdair qui a fait fuir sa femme, son fils nouveau né, son frère. Tous les MacDonald qui restaient furent tués, quels que soient leur âge et leur sexe. Corrag elle fut arrêtée et enfermée en attendant d’être brûlée vive à Inverary.

C’est là, dans sa cellule, que le révérend Charles Leslie, un Irlandais jacobite exilé, fait sa connaissance. Il veut entendre d’elle le récit du massacre, mais c’est le récit de sa vie qu’elle lui fait, alors que le dégel annonce sa mort prochaine. Et alors qu’il aurait été prêt à allumer lui-même le bûcher de cette sorcière, il l’écoute et est envoûté par son histoire. Il comprend qu’elle est elle aussi victime, qu’elle a pour seuls péchés de n’avoir ni dieu ni roi, obéissant aux seules lois de la Nature.

« Je marche là où elle marche, je vois ce qu’elle voit. Quel don ! J’écris ceci dans ma chambre, comme toujours. Mais elle parle avec tant d’éloquence de sa vie sauvage, dans la bruyère et parmi les rochers, que je m’y sens plongé. Est-ce de la sorcellerie ? Ce don ? Ses propos s’incrustent en moi. »

Et un don, Susan Fletcher en a un, celui de transporter son lecteur au cœur de l’Histoire, sur des terres difficiles et belles, qui savent être généreuses à qui les respecte. Dans Un bûcher sous la neige, elle dit la nature, les vents, les arbres, les animaux mais aussi le cœur des hommes et les espoirs d’une femme. Certaines descriptions m’ont paru un peu longues, mais je n’ai jamais cessé d’être aux côtés de Corrag et même de Charles Leslie qui écrit à sa femme et se transforme peu à peu.

J’avais bien en tête avant de commencer ce livre de Susan Fletcher les oppositions entre les partisans du roi Jacques et ceux du roi Guillaume. Si cet épisode n’est pas connu de l’éventuel lecteur, il lira avant avec profit, me semble-t-il, la page Wikipedia consacrée au massacre, afin d’avoir bien en tête les enjeux et les protagonistes. J’ai par contre découvert un peuple et une région de l’intérieur, pour prolonger la magie d’un court séjour estival.

« Où les gens sont sauvages, les arbres courbés par le vent, où les lochs reflètent le ciel. Où les hommes vivent tapis, prêts à tout.« 

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Un bûcher sous la neige

Susan Fletcher traduite de l’anglais par Suzanne Mayoux
Plon, 2010
ISBN : 978-2-259-21141-3 – 399 pages – 22 €

Corrag, parution en Grande-Bretagne : 2010

54 commentaires sur “Un bûcher sous la neige de Susan Fletcher

    1. Après. C’est arrivée sur place que je me suis rendu compte que je n’en connaissais vraiment pas assez sur les Jacobites pour comprendre ce pays. Du coup, je me suis plongée dans cette histoire, qui m’a permis de mieux comprendre d’autres livres aussi, comme Walter Scott.

    1. Pas si immobile que ça, elle crapahute pas mal Corrag, d’Angleterre en Ecosse d’abord, puis par monts et par vaux dans les Higlands avant de se retrouver enfermée…

  1. Wow ! Il y a un Irlandais, il y a le roi Jacques et l’abominable Guillaume d’Orange : ce livre est pour moi 🙂

  2. Pas convaincue par l’aspect historique, mais ce que tu dis sur la relation à la nature me plaît. Seulement, est-ce que cet aspect suffirait pour que le livre me plaise, je ne sais pas.

  3. C’est un livre qui pourrait me plaire mais je manque cruellement de références, ne connaissant pas du tout l’histoire de cette région… Je le note tout de même. 😉

  4. Une histoire entre l’Angleterre et l’Écosse réellement méconnue de la plupart des lecteurs, en effet. J’avais lu (au cours de mes études) des ouvrages historiques sur cette guerre entre Jacques II (il me semble ?!) et Guillaume d’Orange Nassau et les luttes acharnées et violentes entre les deux clans pour s’arroger le pouvoir ! Comme cela me semble lointain et presque oublié … Il va falloir que je me replonge dans cette partie de l’histoire de la Grande-Bretagne, dare dare !! Et pourquoi pas avec ce roman qui me paraît captivant ! Tu poursuis ainsi un peu ton séjour écossais, on dirait …

    1. Cette partie de l’histoire britannique ne nous est en effet pas familière. Mais essentielle pour qui voyage dans les Highlands et visite les lieux toujours marqués par ces sanglants épisodes.

  5. J’avais du passer à côté de ton billet. tu en parles bien mieux que moi, j’ai l’impression d’avoir pataugé en écrivant mon billet, pourtant qu’est ce que j’ai aimé cette lecture !

    1. Ça n’est pas toujours facile d’écrire ce que l’on ressent, même quand on pratique l’exercice souvent. Et les livres qu’on a le plus aimés ne sont pas forcément ceux dont on parle le mieux ! Le principal est d’être sincère, ça se sent toujours…

  6. De très jolis passages : l’écriture de Fletcher est envoûtante. A mon avis, elle doit être un brin sorcière sur les bords.

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