Des nouvelles ayant pour sujet la cuisine indienne… ça n’était pas gagné : je n’aime pas trop les nouvelles (je m’y mets doucement), je n’ai lu dans ma vie qu’un seul roman indien, et je déteste faire la cuisine (éplucher les légumes, tripoter la viande, beurk). Heureusement, l’intérêt de ce recueil n’est pas que culinaire (que dieu me préserve de manger un jour du dâl ou du kalajamun…), il est aussi, et peut-être avant tout, social.
On en apprend beaucoup sur la société indienne, sur la place des femmes. De l’orpheline, parent pauvre de la famille, traitée moins bien qu’une domestique puisqu’elle travaille pour les autres sans recevoir le moindre salaire à celle qui a plusieurs maris, le panel est étonnant à mes yeux ignorants de la culture indienne.
Il apparaît que beaucoup de mariages sont arrangés par les parents selon des considérations sociales et économiques (« leur mariage était une affaire conclue de longue date entre les deux familles pour permettre à leurs entreprises respectives de fusionner« ), d’où des vies maritales extrêmement mornes (« Son existence de femme seule ne lui paraissait pas très différente de la vie ennuyeuse qu’ils avaient mené ensemble en tant qu’époux« ).
C’est grâce à leurs dons pour la cuisine que les femmes prennent, non pas une importance sociale ou familiale, mais une place si essentielle qu’elles marquent de façon inoubliable la mémoire des papilles.
« Bala vivait souvent à la maison depuis mon enfance. Pourtant, je ne me rappelais jamais son visage quand elle s’absentait. Des années de séjour dans des familles qui ne la toléraient que pour son utilité à la cuisine et son efficacité d’infirmière quand quelqu’un était malade, avaient enseigné à Bala comment se cantonner à l’arrière-plan tout en manifestant qu’elle était là pour se rendre utile. Où qu’elle habitât, Bala savait se mêler à la famille sans se faire remarquer.«
Ce qu’on donne à manger est aussi un signe de la place qu’on occupe dans la société, aussi les repas à la veille du mariage arrangé de Priti et Manu tournent à la bataille de festins.
« Le père de Priti pressa son très estimé cuisinier d’augmenter la quantité de ghî pur dans ses pâtisseries, tandis que le père de Manu commandait un superbe gâteau à cinq étages, à la crème fraîche, et rempli de mangues Alfonso hors saison. Un camp servait-il des sucreries au lait concentré, l’autre contre-attaquait avec des glaces à la pistache parfumées au safran. Au riz biryani-épinards de la cérémonie assortie d’un récital classique qui fut donné chez la fille, répondit un énorme poisson de cinq kilos cuit au four tandûri avec des graines de coriandre fraîchement écrasées à la réception du dernier jour de célibat de Manu. »
Et Priti, veuve et vieille, ne se souvient presque plus des traits du mari qu’on a choisi pour elle, non, ce dont elle se souvient c’est de ce qu’elle a mangé.
Ces femmes survivent à l’indifférence et à l’oubli par leur fonction. Et c’est une fois devenues belles-mères à leur tour qu’elles peuvent exercer leur tyrannie sur leurs enfants, filles ou garçons, en leur imposant un(e) conjoint(e), même s’il ne leur plait pas et qu’elles devront peut-être passer une partie de leur vie sous leur toit. Et quand une mère doit partager la même cuisine que sa belle-fille, la rivalité est sans pitié (et le fils guetté par l’obésité !). Gaver ou affamer est aussi une façon de montrer son autorité.
Je ne retiendrai de ce livre aucune des recettes fournies à la fin de chaque nouvelle, mais une odeur d’Inde, c’est certain, avec un arrière-goût plutôt amer.
Edit de février 2023 : que de choses ont changé… devenue végétarienne, je fais très souvent la cuisine, j’épluche les légumes sans répugnance et je mange du dâl. Et surtout, je suis heureuse quand je cherche un restaurant d’en trouver un indien car au moins eux savent nourrir les végétariens !
La colère des aubergines
Bulbul Sharma, traduite de l’anglais (Inde) par Dominique Vitalyos
Philippe Picquier, (Picquier poche), 2002
ISBN : 978-2-8773-0622-5 – 201 pages – 6,50 €
Un bon maillon de la chaine (j’adore la cuisine indienne, mais, comme toi,j’ évite de cuisiner…)
Ce fut une plaisante découverte (puisque je n’ai pas à cuisiner après 🙂 )
Un recueil de nouvelles que j’ai lu il y a quelques temps déjà (avant le blog) et j’en garde un souvenir assez mitigé en fait. J’avais beaucoup aimé certaines nouvelles mais d’autres m’avaient laissée totalement indifférente… La nouvelle où la mère et la belle-fille se querellent pour l’amour du fils/mari en le « goinfrant » de mets plus ou moins savoureux et lourds m’avait bien fait rire : pauvre homme !!
C’est un bon début pour découvrir ce pays (bon, c’est sûr, si tu n’aime pas cuisiner, tu as dû souffrir un peu…) 😉
Ce que j’ai apprécié, c’est de découvrir la société indienne à travers ces différents regards féminins.
Je ne sais pas si le principe nouvelles/recettes me plairait, j’attends de le feuilleter en librairie pour me décider.
Les recettes sont à la fin de chaque nouvelle, on n’est même pas obligé de les lire !
Celui-ci est sur la LAL depuis un moment et attend toujours son tour. Pffff !
Tu ne peux plus différer ces quelques moments de dépaysement !
La peinture de la société indienne est également ce qui pourrait m’interesser sur ce titre ! – la cuisine, hum… Mais j’ai d’ores et déjà quelques titres de cette littérature qui m’attendent, dont un titre de John Irving qui se passe en Inde 🙂 !
Ah bon, Irving a écrit un livre qui se passe en Inde ?
Comme toi, bien que plusieurs romans portant sur la nourriture fleurissent ces temps-ci, je ne suis pas très attirée. Et comme je ne suis pas une inconditionnelle des nouvelles non plus…
Effectivement, ça ne fait pas beaucoup d’attraits, moi je ne l’aurais pas lu sans la chaîne, mais je suis contente de m’être dépaysée un peu.
Je l’ai noté depuis longtemps et je ne sais pas pourquoi je ne l’ai pas lu, finalement… La cuisine, j’aime ça (de temps en temps !) et les nouvelles aussi.
Bien contente de constater que je ne suis pas la seule à noter, noter… et pas toujours concrétiser…
Je l’ai offert à ma belle-mère qui adore l’Inde. Par contre, comme toi, je suis peu friande des nouvelles et je déteste cuisiner (c’est mon mari qui est aux fourneaux) Donc, malgré ma récente découverte de la littérature indienne, je ne note pas.
Moi aussi j’ai un mari aux fourneaux quand il en a marre des steaks hachés et du jambon 🙂
J’ai tout de même hâte de le découvrir, je commence petit à petit à m’intéresser à la littérature indienne et j’aime la cuisine, alors pourquoi pas…
En tout cas, ça fait plaisir de voir un peu des billets sur des livres de la chaîne …
La chaine tourne doucement, c’est même presque terminé pour certains livres…
De la cuisine, des destins de femmes, du dépaysement : des ingrédients qui mettent l’eau à la bouche.
Pour ma part, je ne suis pas sûre d’avoir envie de me mettre à la cuisine indienne…
J’attends impatiemment le second volume : « La joie du céleri rémoulade »… (hum) (pardon).
Le troisième est en cours : Le chagrin des poireaux après la soupe 🙂
Comme toi, je n’aime pas cuisiner. De toute façon, je rate presque tout ce que je cuisine… ^^ Mais j’avais adoré ce recueil pour la découverte de la civilisation indienne.
Moi aussi je rate tout ce que je cuisine, c’est plus sûr !
J’ai beaucoup aimé ce livre qui m’a donné envie de manger indien (il faut dire que j’adore cette cuisine)!
Il en faut pour tous les goûts, je préfère la cuisine asiatique…
J’avais bien aimé ce petit recueil mais j’ai encore préféré « mangue amère », son dernier…
Culinaire encore un fois, donc….
Je n’aime pas vraiment les nouvelles, moi aussi mais une libraire me l’a conseillé, je prévois donc de le lire surtout que je ne connais rien à la littérature indienne.
C’est le dépaysement assuré !
Hum il me tente bien celui là. (Et je ne recomenderai jamais assez la cuisine indienne. Oh mes papilles ne s’en sont jamais tout à fait remise)
En plus du texte, tu as les recettes en bonus, tu seras comblée !
de mon côté j’adore cuisiner. Je trouve que c’est une activité très sensuelle… Je lirai bien ce recueil que Yue Yin nous avait chroniqué pour une réunion du club.
Je n’ai jamais été touchée par la sensualité de la cuisine, pour moi, c’est vraiment beurk, surtout la viande, le poisson, tous ces morts, c’est une catastrophe à mes yeux 🙂 Par contre manger des cadavres, ça me gène moins 🙂
Et quel était le seul roman indien que tu avais lu ? Comme toi je n’aime pas les nouvelles et n’aime pas trop cuisiner mais il me semble avoir déjà entendu parler de ce recueil soit chez Tamara soit chez Papillon (ou peut être carrément ailleurs!!), mais je trouve qu’en général, les romans indiens ou sur l’Inde sont toujours assez extraordinaire, surtout parce que la culture et la société indienne sont vraiment… différentes, intéressantes, et complètement autre que ce qu’on connaît.
Un des meilleurs je crois c’est « l’équilibre du monde » de Mistry.
C’était Loin de Chandigarh et contre toute attente, ça m’a beaucoup plu. Dépaysement assuré et beau point de vue sur la société.
Comme tu le sais, j’ai été un peu déçue par ma lecture. J’ai eu du mal à entrer dans ce recueil.
Pour moi, j’ai apprécié la partie sociale, mais je ne pense quand même pas continuer avec cette auteur.
Je suis comme toi, je n’apprécie pas particulièrement les nouvelles ni la littérature indienne.
Je suis allée contre mes propre goûts grâce à la chaîne…
Je ne suis pas fan non plus de nouvelles mais cuisine + histoire de femmes indiennes : ça a l’air fort intéressant et enrichissant
Pour te mettre l’eau à la bouche, alors rien de mieux !
Ca fait un bon moment que j’ai envie de découvrir ce roman…
Il n’est jamais trop tard, et ce livre continue sa course dans la chaîne des livres.
Il est dans ma pal depuis un petit moment celui ci.
Pas faim peut-être ?
Je pense le lire un de ces jours et contrairement à toi, j’aime cuisiner et découvrir les cuisines d’ailleurs 🙂
Par contre quel constat attristant de voir qu’on reproduit ce qu’on a subi !
C’est terrible cet esprit de vengeance mesquine… c’est pitoyable… mais bon, l’auteur a le don de le présenter de manière très drôle.
Dommage qu’il ne t’ai pas plus ! Moi il me tente pas mal car j’ai vécu quelques temps en Inde et leur cuisine est tout simplement délicieuse. EN revanche je pense aussi que certaines histoires ne me plairont moins que d’autres !
C’est surtout l’aspect culinaire sur lequel je suis restée assez insensible, sinon, l’aspect social m’a intéressée.
je l’ai dans ma PAL, quelque part … faut que je fasse quelques recherches 😀
Quelques livres enfouis peut-être 😉 Allez allez, un peu de courage car ce livre mérite vraiment lecture.
faut que je me mette à plat ventre ^-^
il y a des bouquins de la PAL qui sont tout en bas et comme je regarde généralement ce qui est à ma hauteur, j’oublie le bas – conclusion = demain j’enlève le bas 😀
Heureusement que tu ne mesures pas un mètre 80, ça ferait beaucoup d’oubliés 🙂 !
Salut, je voulais savoir quel est le resumé shema narrarif de « l’epreuve du train » je nai pas encore le livre j’ai hate de le lire