Comme beaucoup de ses compatriotes avant lui, l’écrivain argentin Ernesto Mallo écrit sur la dictature, mais lui choisit la forme originale du roman policier. Son héros est donc un flic, et contrairement à ce qu’on pourrait croire, il n’est pas du côté des militaires. Comme il l’affirme, l’Argentine ne manque pas de lois en ces jours sombres, mais de justice. Et le commissaire Lascano entend bien faire ce qu’il peut quand il le peut. Quand il découvre trois cadavres dont deux semblent avoir été exécutés par les militaires, il ne s’occupe pas de ces derniers mais n’aura de cesse de savoir comment est mort le troisième.
S’il ignore l’identité du mort, le lecteur lui la connait car il suit plusieurs fils narratifs (qui ne sont pas simultanés comme il le découvrira quasi à la fin). Outre Lascano, il y a Eva, une jeune fille qui parvient à échapper à une rafle militaire et à se cacher dans un hôtel de passe… juste avant une descente coup de poing de Lascano et de ses hommes ; Elias Biterman, un Juif échappé des camps, devenu usurier à Buenos Aires ; Amancio, dernier soubresaut ruiné d’une famille jadis éminente, mené par le bout du nez par sa femme trop jeune et trop belle ; le major Giribaldi, dont la femme ne peut pas avoir d’enfant et qui décide de lui en trouver un pour ne pas qu’elle finisse folle, et lui non plus.
Les liens se tissent entre ces personnages, sans beaucoup de surprises quant au scénario car Lascano n’est pas un super héros, juste un homme, de surcroît veuf inconsolable depuis huit ans. Ce que montre Ernesto Mallo c’est qu’il n’y avait pas que des pourris dans la police, mais aussi des hommes qui souhaitaient faire la lumière sur des crimes crapuleux ; que si un militaire est plus ou moins concerné par ledit crime, il n’y a plus ni loi ni justice car la dictature sert à régler tous les comptes.
Un roman policier donc, puisqu’il y a un policier dedans, mais surtout un roman noir qui restitue l’atmosphère d’une époque délétère et violente. Malgré son métier, Lascano n’est pas de la partie parce qu’il est idéaliste, donc faible. Cet homme souffrant et intègre a tout de la victime, c’est un très beau portrait. Les autres personnages sont aussi réussis, j’espère qu’on en saura plus sur leur compte dans un prochain volume à traduire.
J’ai juste trouvé étrange la façon de rapporter les dialogues : en italiques et en bloc, sans passages à la ligne et sans tirets, c’est au lecteur d’imaginer qui parle… bizarre.
Ernesto Mallo sur Tête de lecture
L’aiguille dans la botte de foin
Ernesto Mallo traduit de l’espagnol par Olivier Hamilton
Rivages/Noir, 2009
ISBN : 978-2-7436-2000-4 – 255 pages – 8 €
La agujar en el pajar, première publication : 2005
Intéressant, mais je suis freinée par ce que tu dis sur l’écriture des dialogues, j’aime bien que çà coule tout seul ..
C’est bien fait donc globalement, on sait qui parle, mais c’est destabilisant au départ et surtout, je me demande ce que ça apporte par rapport à la construction traditionnelle…
C’est donc le début d’une série avec ce commissaire, comme héros? A voir mais je n’aime pas beaucoup non plus ces dialogues en bloc. Je m’en méfie.
Je pense qu’il y en aura d’autres, mais ce n’est pas le cas pour l’instant.
Même remarque à priori, faut voir.
Cette façon d’interroger le passé est comme une thérapie. Malgré les années, sur le plan des non-dits, je crois que nous n’avons pas grand chose à envier aux Argentins.
La dictature argentine était quand même assez terrible et surtout, les répercussions sont encore sensibles aujourd’hui, notamment pour les enfants des « disparus », devenus adultes qui s’interrogent sur leurs racines.
j’allais dire, « je note », mais ta remarque sur les dialogues me bloque. J’ai lu une fois un roman où les dialogues étaient présentés un peu dans ce style, au lecture de trouver qui parle… suprêmement agaçant
j’aimerais vraiment savoir pourquoi les auteurs ont recours à de tels procédés…
Bonjour Ys,
Je cherchais un policier argentin pour mon challenge »perso » du policier à travers le monde. Merci donc et à bientôt.
Le Papou
En matière de polars argentins, il y a aussi Rolo Diez, tout à fait recommandable et Pablo de Santis dans un genre tout à fait différent (roman d’enquête à l’ancienne mode, sauce british). Bonne lecture.
Je ne suis pas vraiment attirée par les lectures argentines et le fait que les dialogues soient d’un bloc ne me plaît pas. Je préfère passer.
Avec tous les Argentins que je lis, il y en aura bien un qui finira par te plaire 😉
Cela rejoint ce que tu disais sur un roman policier ou roman noir. Un roman qui peint une société, qui en dénonce les crimes.
C’est tout à fait ça, on ne se refait pas…
J’ai aussi publié sur un roman argentin !
Le tien a l’air surprenant.
Bonne semaine !
Le tien est dans ma PAL, je le lirai.
pourquoi ? tu es fan d’Argentine ? (je te connais peu, c’est mon excuse !) En tout cas, à défaut de noter celui-ci, je note Rolo Diez et Pablo de Santis !
merci pour ce beau billet, très exhaustif.
Disons que j’aime assez et que c’est le pays d’Amérique latine dont on a le plus de traductions.
voilà un auteur que je ne connais pas du tout. S’agissant d’un pays et d’une période qui m’intéresse , je le note pour une prochaine lecture !
Je te conseille d’aller faire un tour dans mon « index géographique des auteurs », il commence à y avoir pas mal d’Argentins.
Si tu découvres mon blog, je connais le tiens depuis pas mal de temps… 🙂
Je lis aussi un roman policier argentin et je ne suis pas vraiment séduite (pour l’instant). La couverture du roman que tu proposes est étourdissante en tout cas !
Au plaisir.
Si tu fais un billet sur ce polar argentin que tu lis, je le lirai avec plaisir.