La fille tombée du ciel de Heidi Durrow

Heidi DurrowC’est la jeune Rachel Morse, héroïne de Heidi Durrow, qui est tombée du ciel, traversant l’espace devant la fenêtre de Jamie, qui deviendra Brick, pendant que sa mère s’amusait avec son nouvel ami dans sa chambre. Il y avait Rachel mais aussi Robbie, son frère, Ariel, le bébé, et Nella, sa maman. Rachel sera la seule à s’en sortir vivante. Jamie lui est hanté par ce qu’il a vu par la fenêtre. Il va à l’hôpital et rencontre le papa de Rachel, un Noir comme lui, qui lui apprend l’harmonica.

Quand elle sort de l’hôpital, elle va vivre à Portland avec sa grand-mère paternelle et sa tante Loretta. Elle apprend qu’elle est Noire, ou plutôt, elle s’en rend compte car avant ça, la couleur ne comptait pas. Il va pourtant bien falloir que Rachel trouve sa place entre Noirs et Blancs, elle qui a la peau claire et les yeux bleus de ma maman danoise. Mais son père n’est plus là, il n’est jamais venu la voir chez sa grand-père, peut-être est-il mort, Rachel ne sait rien. Elle ne sait pas bien non plus ce qui s’est passé sur le toit, y avait-il quelqu’un, sa maman a-t-elle sauté ? Pas facile dans ces cas-là de devenir une jeune fille, de se forger une personnalité, même si l’Amérique des années 80 décrite par Heidi Durrow est plus tolérante que celle des décennies précédentes.

Beaucoup d’émotions dans ce livre de Heidi Durrow sur l’identité métisse, qui relève pour une part de l’autobiographie (l’auteur est née d’un père noir et d’une mère danoise). La construction est intéressante, à la première personne quand il s’agit de Rachel, puis donnant voix à plusieurs protagonistes qui dessinent eux aussi le portrait de la jeune fille. Heidi Durrow crée une attente, le lecteur souhaite savoir ce qui s’est passé sur le toit, mais aussi avant entre les parents de Rachel, puis ce qu’est devenu son père. Ces questions resteront pour une part sans réponse, l’auteur rompant ainsi un pacte romanesque tacite et entretenant la frustration (ou l’imaginaire selon que l’on est plus ou moins optimiste). Dans la mesure où il y a intrigue, je trouve dommage, et facile, de ne pas en donner toutes les clés. Certes, l’auteur place ainsi le lecteur à hauteur de personnage : il n’en sait pratiquement pas plus que Rachel sur son histoire. Je préfère pour ma part les romans plus denses, qui construisent avec précision les différentes facettes d’un personnage et son évolution.

Heidi Durrow n’exploite pas le fait que son héroïne se construit sur des non-dits, des secrets. Peut-on croire que Rachel enferme la Rachel qu’elle était avant l’accident dans une bouteille, comme elle dit, et qu’elle continue de grandir ainsi, ne se laissant que parfois déborder par l’émotion (mais jamais par le souvenir, on ne saura rien de son enfance) ? Arrivée à l’adolescence, est-il crédible qu’elle n’interroge pas sa grand-mère sur son père, et sur le petit Charlie dont elle finit par découvrir l’existence ?

Choisissant de mettre l’accent sur le métissage, Heidi Durrow néglige le traumatisme subi par Rachel. On se demande dès lors pourquoi elle choisit un accident aussi spectaculaire et symbolique que la chute de toute une famille du neuvième étage d’un immeuble.

Il reste dans ce roman bien des pistes à exploiter me semble-t-il, ce qui en fait un roman assez frustrant.

 

La fille tombée du ciel

Heidi H. Durrow traduite de l’anglais par Marie de Prémonville
Anne Carrière, 2011
ISBN : 978-2-84337-614-6 – 274 pages – 20 €

The Girl Who Fail From The Shy : A Novel, parution aux Etats-Unis : 2011

29 commentaires sur “La fille tombée du ciel de Heidi Durrow

  1. A la lecture de ton billet, j’en suis frustrée pour toi… Si des questions fondamentales restent en suspens, c’est bien embêtant !

    1. Peut-être l’ai-je lu trop simplement : des questions surgissent (sur le père en particulier) et j’attendais basiquement des réponses… qui ne sont pas venues…

  2. La dernière fois que dans un roman que je lisais une fille est tombée du ciel, c’était dans Barroco Tropical (billet à paraître), et elle était morte…

  3. J’ai cru comprendre pourquoi le père ne revenait pas et en fait, comme je te le disais en réponse à ton commentaire, cela ne m’a pas semblé si important à savoir… Mais je crois que tu as trouvé un mot juste dans ton billet concernant ce livre : pas très crédible. Je crois que l’auteure a voulu aller trop loin dans la dramatisation des faits au détriment de ses personnages…

  4. Le thème de départ était tentant mais si on en ressort frustré, je ne pense pas que je vais noter … je n’aime pas être frustrée, ce n’est pas bon pour mon teint 😉 mdr !

  5. Je n’ai pas de mal avec le roman qui ne donnent pas toutes les réponses mais dans un tel cas, quand même, il me semble que j’aimerais aussi savoir… Bref, bon, je pense que je peux faire sans…

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