Il est des lectures confortables et d’autres qui le sont moins. Un ange noir, deuxième roman de François Beaune, ne permet pas au lecteur de s’installer dans une narration fluide et continue, dans laquelle il s’attacherait au héros, et dont la fin le guiderait vers la résolution de toutes les interrogations soulevées. D’abord parce que le héros, Alexandre Petit, est terriblement antipathique, il le dit lui-même, puisqu’il est le narrateur de cette histoire : « J’ai un secret inexplicable, difficile à décrire. Pour résumer, on ne me trouve pas sympathique. »
Pourtant au départ, on aurait presque pitié de ce pauvre type, trente-sept ans, toujours chez maman, bénévole aux Restos du Coeur, employé à la Sofres, quasi invisible pour ses collègues. C’est qu’au départ, il est encore cohérent, sous l’emprise de son traitement médicamenteux. Mais quand il prend la fuite suite à la découverte du cadavre d’Elsa Colignon, sa très jeune collègue qu’il est probablement le dernier à avoir vu vivante, il commence à perdre les pédales et à montrer son vrai visage. Un type haineux et dangereux, désormais en liberté.
Comme dans un roman policier, le lecteur se demande si Alexandre Petit a tué Elsa Colignon. Au début, sur la foi du témoignage d’Alexandre lui-même, on pense que non. Puis, à la lecture de coupures de presse, on se dit que peut-être… pour finir par être certain de sa culpabilité… mais enfin, il y a ce Franck, vagabond ami d’Elsa dont Alexandre est certain de la culpabilité et veut en persuader le lecteur. En est-il vraiment certain ? Cherche-t-il à se persuader lui-même pour effacer sa faute ? « J’ai une enquête à mener, un coupable à trouver, et même si ce coupable était moi, et alors ? » Alexandre est-il innocent et coupable idéal ? « Je serai toujours cette tête de Turc, le bouc émissaire que l’on ressort à chaque dérapage. » Est-il complètement cinglé ? Paranoïaque oui, mais meurtrier…
Même quand Alexandre se met à vomir sa haine du monde, dévoilant son esprit pervers et malsain, on ne sait toujours pas ce qu’il en est du meurtre, des meurtres car celui d’Elsa ne sera qu’un début.
Pour plonger dans les méandres hasardeux de cet esprit malade, ange noir, bon fils en apparence, probable serial killer, il faut donc accepter cette perversion des codes romanesques. Le héros psychologiquement instable est un excellent outil pour l’écrivain qui souhaite brouiller les pistes, abuser le lecteur qui ne peut dès lors plus se reposer sur la parole narrative. Si ce n’est quelques longueurs dans l’errance d’Alexandre (avec les « punks à chiens »), François Beaune se sort bien de l’exercice, parvient à agacer son lecteur, en énervera peut-être même certains, les plus pragmatiques…
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Un ange noir
François Beaune
Verticales, 2011
ISBN : 978-2-07-013477-9 – 276 pages – 17.90 €
Hum, pourquoi pas, il m’intrigue !
Pas de doute, ce livre est intrigant, retors, et au final plutôt réjouissant.
Tout ceci m’a l’air assez étrange et…original. Serais-je du style à être agacée ou non ?
Voilà qui mérite peut-être d’être creusé. En tout cas, ton billet me donne envie d’en savoir plus 😉 !
Parmi tous les titres de la rentrée littéraire, celui-ci était un des français qui me tentaient le plus : il ne parle ni de son père, ni de sa mère, ni de sa grand-mère… et il y a une vraie recherche narrative, sans esbroufe.
Si au final, je reste avec beaucoup de doutes, je risque d’être très agacée..
Il n’y a pas beaucoup de sentiment dans cette histoire, et on ne pénètre pas le fonctionnement de cette personnalité, on ne connait pas ses motivation. Donc oui, je crois que tu pourrais être agacée…
je passe pour ce livre, car je crains d’être mal à l’aise.
C’est possible, il y a de quoi.
Voilà un auteur qui ne craint pas de jouer avec le lecteur, c’est plutôt intéressant, même si pas confortable. Un héritier d’Hitchcock ?
En tous cas, un beau titre, même si pour moi les anges sont dangereux, en général : pléonasme ?
Peut-être pas Hitchcock, non, car l’intrigue repose sur l’intérieur d’un personnage dérangé, pas sur une ambiance ou un suspens. Mais je ne connais pas tout Hitchcock…
Je n’aime pas quand c’est trop allambiqué (mon petit cerveau a du mal à suivre).
Ça se lit très vite et te ne t’embrouilleras pas, j’en suis sûre !
mais enfin, a-t-on la solution à la fin, ou pas?
Bon, je vois que j’ai réussi à créer mon petit suspens 🙂 tu ne crois quand même pas que je vais te raconter la fin 😀
Je pense me ranger du côté des pragmatiques 🙂
Ce que tu dis de ce roman m’intrigue, m’attire et m’effraie en même temps mais si tu dis qu’on ne s’ennuie pas, c’est encore plus tentant. Je verrai!
Si on aime les esprits tortueux et torturés, on ne s’ennuie pas.
Guère tentée et pourtant j’ai beaucoup apprécié « Un homme louche », mais j’ai l’impression (à tort, peut-être) que l’auteur reste dans un registre similaire.
Je n’ai pas lu son précédent roman, mais d’après ce que j’ai lu, il semble en effet que ce soit le même registre. D’ailleurs, les premiers jets sont contemporains.
Je n’ai pas envie de le lire pour le moment, mais un peu plus tard, pourquoi pas ? Je suis tout de même intriguée…
C’est déjà un premier pas vers l’envie de lire 😉
Oh la la ton billet me donne très très envie ! J’adore tous ces romans au personnage principal à tendance misanthrope et marginal. Surtout si en plus, l’auteur mène son lecteur par le bout du nez .
Je le note !
Alors effectivement, ce livre-là pourrait bien te plaire.
Moi, je suis plutot tres tentee par tout ce que tu nous dis 😉
C’est sûr qu’il en faut pour tous les goûts, mais j’aime bien convaincre 😉