Ça commence par la description de poissons dans un aquarium, l’aquarium du salon de beauté annoncé dans le titre. Le narrateur décrit les espèces qu’il y a élevées, les faisant tant bien que mal cohabiter. Les poissons sont à l’image des femmes qui sortent du salon : gracieux, agréables à regarder. Puis peu à peu, on comprend que le salon, s’il abrite encore quelques poissons moribonds, n’accueille plus de femmes d’aucune sorte, plus que des hommes en phase terminale d’une maladie qu’on devine être le sida. Le salon de beauté est devenu le Mouroir, et le narrateur lui-même est mourant.
Comme ses derniers pensionnaires agonisants, il est homosexuel et il a arpenté les trottoirs habillé en femme, quand tout allait bien, que la vie était une fête. Mais au détour de certaines remarques, on comprend que ce temps-là est fini, que la population est hostile à ceux qui se trouvent dans le Mouroir : “La campagne de dénigrement fomentée dans le quartier où se trouve le salon a fait que plus d’une fois, j’ai craint pour ma vie quand je sortais dans la rue”. Si pour le narrateur et ses amis, sortir habillés en femme a toujours comporté un risque, c’est devenu impossible car les malades sont stigmatisés.
On ne sait ce qui est le plus terrible dans ce récit : la voix neutre et démunie d’affect qui tient le discours (celle d’un homme mourant apprend-on bientôt), ce qui est raconté ou pire encore, ce qui est tu. C’est peu de dire que l’écriture est minimaliste. Et pourtant, elle prend aux tripes tant sont évidentes la souffrance et la solitude. L’écriture va à l’essentiel de l’humain, prenant le lecteur au dépourvu tant par le thème abordé que par la forme. Les allusions et silences s’avèrent plus efficaces encore que n’importe quelle description. Autant dire que la réussite est évidente, même si elle indispose, une telle économie de mots pour une puissance narrative aussi forte, c’est assez rare.
.
Salon de beauté
Mario Bellatin traduit de l’espagnol par André Gabastou
Stock, 2000
ISBN : 9782234052642 – 85 pages – 13.50 e
Salón de belleza, parution au Mexique : 1999
Hmm, hmm, je ne suis pas sûre que ce roman pourrait me plaire…
Je ne pense pas rallier les foules avec ce livre. C’est assez dérangeant, mais intéressant et permet de mieux envisager la diversité de la littérature mexicaine, et aussi latino-américaine.
oulà, ça m’a l’air difficile, comme roman…
Dans le propos, oui, ça n’est pas de tout repos. C’est cependant un livre fort sur la maladie, la dégénérescence.
Cela se passe au Mexique alors ? Je trouve la construction et la façon d’aborder le thème originale.
L’écrivain est-il lui-même concerné ?
Oui, ça se passe au Mexique mais ça pourrait être n’importe où ailleurs, n’importe quelle grande ville. Et non, l’auteur n’est pas concerné par la maladie, le savoir-faire littéraire n’en est que plus impressionnant.
N’est pas à la bibli, dommage, cela m’aurait intéressé d’en lire plus (85 pages, hein?)… J’adore cette collection, par ailleurs!
Je pense que tous les livres de cet auteur sont de la même eau : dérangeants. Et pas épais, bien que très efficaces pour ce qui est du ressenti. J’y reviendrai.
Tentant malgré le côté plombant. J’aime les écritures minimalistes, ce sont en général des performances dans l’art d’écrire.
je note, même si je ne me sens pas de lire dans l’immédiat.
Une performance, c’est ça, c’est le mot qui convient à mon avis…