Furgul est né dans un élevage de lévriers de course, dans la Fosse de Dedbone, un taudis esclavagiste ou peu s’en faut. Keeva sa mère, est une championne, mais son père, pour moitié chien-loup, est un sang mêlé ; il ne l’a jamais vu. Quand Dedbone s’en rend compte, il emporte dans une caisse Furgul et ses trois sœurs pour les tuer.
Le chiot parvient à s’échapper avec une de ses sœurs qui mourra dans sa fuite. Il est recueilli par un couple qui a déjà un chien, Churchill, et qui l’adopte pour en faire un chien de compagnie : laisse, croquettes, coucouche-panier-papates-en-rond. Fulgur a du mal à se faire à cette vie car il doit renoncer à la liberté, mais il mange à sa faim et est bien traité. C’est quand ses maîtres décident de le faire castrer que Fulgur s’enfuit, erre quelques temps avant d’être attrapé et emmené dans une fourrière où il lui reste cinq jours à vivre si personne ne vient l’adopter. C’est là qu’il rencontre Argal son père, fier et indomptable, qui va lui donner la force de mener une révolte.
Si ce n’était Tim Willocks, je n’aurais jamais lu ce livre car je n’aime pas du tout les chiens. Ils sont ici le centre de la narration mais au-delà, il est question de liberté, de libre-arbitre, de choix, d’intégrité. Doglands n’est pas un livre sur les chiens car l’auteur utilise des facilités romanesques qui rendent ces animaux bien plus intelligents qu’ils ne sont, certains humains allant même jusque parler d’une certaine façon leur langage. Quelques scènes, très visuelles, trouveraient leur place dans un dessin animé comme la panique semée par Fulgur dans le fast-food d’un supermarché, l’attraction qu’il exerce sur une meute de chiennes en promenade ou l’exercice d’équilibriste de la petite chienne Zinni.
Le roman reste cependant très dur et sombre car le sort de tous ces chiens n’est pas plaisant, même pas celui des chiens dorlotés par leurs maîtres qui apparaissent plus ridicules qu’enviables. Ils ont renoncé à la sauvagerie, à la part de liberté qui les rend à jamais étrangers à leur vraie nature. Ils ne savent même pas que les Doglands existent, qu’ils ne sont pas qu’une légende. Fulgur lui entend bien les trouver. Ce que Tim Willocks pointe clairement c’est la cruauté de l’homme qui utilise l’animal : l’immonde Dedbone dans sa fosse d’enfer, les voleurs qui sacrifient des bêtes pour mieux organiser leurs forfaits, la société en général qui tue les chiens trop nombreux, abandonnés ou passés de mode. Et tous ceux qui transforment ces animaux en bêtes féroces.
Furgul incarne la nature profonde, l’instinct primaire qui n’est pas forcément mauvais mais en harmonie avec l’être véritable et l’environnement : l’animal tel qu’il serait sans l’homme pour le dénaturer. Au-delà, il est celui qui choisit la liberté même si elle condamne à une vie aléatoire plutôt qu’une vie facile sous la contrainte. Une problématique très proche de celle du roman de Sébastien Rutés La mélancolie des corbeaux.
Doglands est un récit intimiste, écrit du point de vue du chien, et initiatique, permettant une multiplicité de situations. Le roman est tour à tour drôle et tragique, léger et profond. Il entraine le lecteur, jeune ou pas, sur les traces de ce chien qui découvre à la fois ses semblables et les humains, ces derniers ne sortant pas grandis du rapprochement, à de très rares exceptions près.
Tim Willocks sur Tête de lecture
Doglands
Tim Willocks traduit de l’anglais par Benjamin Legrand
Syros, 2012
ISBN : 978-2-74-851179-6 – 343 pages, 16.90 €
Doglands, parution en Grande-Bretagne : 2011
C’est un auteur qui me reste à découvrir mais je pense commencer par un autre titre…
Un des romans jeunesse dont on a le plus parlé cette année. Pour autant, je ne sais pas si je me laisserais tenter. Comme toi je ne suis pas du tout fan des chiens et je connais trop peu Tim Willocks pour me précipiter sur chacun de ses nouveaux titres.
j ai l’impression que ce livre reflète assez bien ce que je pense des propriétaires de chiens
j’ai du mal à supporter les chiens dans les villes on en conclue que je n’aime pas les animaux.
Et très vite , j’ai le droit à « qui n’aime pas les bêtes, n ‘aime pas les gens ».
ça m’énerve, car j’aime les êtres humains et je respecte les animaux mais que chacun à sa place!
ma voisine qui adorait son chien lui envoyait des cartes postales quand elle partait en vacances sans lui! et que dire du calendrier de l’avent pour chat..
ça m’énerve
alors oui je lirai ce livre !
merci pour ce texte
Luocine
La voisine qui envoie des cartes postales à son chien, ça c’est vraiment barré… Dans ce roman, la critique de certains comportements humains débiles tels que celui-là est plus implicite que par exemple l’exploitation des chiens à des fins vénales ou pour les rendre méchants. Mais il y a de beaux passages sur la domestication versus la liberté qui rappellent fortement la fable « Le loup et le chien ». Intéressant aussi pour les plus jeunes qui veulent souvent que leur chien/chat soit comme çi ou comme ça, qu’il fasse ceci ou cela… on a vite fait de se transformer en tyran, même en voulant bien faire.
Je ne suis pas non plus fan de chien, mais pourquoi pas .
Ah toi aussi tu as été conquise par les aventures canines de Furgul ! J’ai vraiment aimé ce roman, très bonne surprise de littérature jeunesse de l’année 2012 🙂
Exact. Ceci dit, j’ai eu un mal de chien (!) à le trouver en bib, aucune de celles que je fréquente dans mon département ne l’a, il a fallu que ma fille me le rapporte de la ville où elle est à la fac. C’est vraiment la cambrousse ici…
Au salon du polar de Toulouse j’ai acheté et fait dédicacer le bouquin par l’auteur avant de lire que c’est un livre pour « jeune public ». A la lecture de ta chronique, ça ne parait pas évident qu’il soit destiné qu’aux jeunes. Je ne l’ai pas encore lu. Est-ce qu’un vieux comme moi pourra y trouver son plaisir?
Amicalement.
Une vieille comme moi a apprécié alors…
Il est dans ma PAL mais je ne parviens pas à l’en sortir…
Il le mérite pourtant…