La ville des prodiges de Eduardo Mendoza


La ville des prodigesLa ville des prodiges
, c’est un peu l’histoire d’Onofre Bouvila qui a treize ans débarque de sa vallée. Mais c’est surtout l’histoire de Barcelone, qui le temps de deux expositions universelles (1888 et 1929) devient ce qu’il est commun d’appeler une ville moderne. A quel prix et comment s’est fait ce passage, c’est ce qu’Eduardo Mendoza raconte à travers Onofre dont le parcours reflète celui de la ville : parti de rien, il devient un des hommes les plus riches qui soient, à force de crimes et de délits.

Tout commence dans la pure tradition picaresque avec un petit gars de rien du tout qui doit faire sa place dans le monde pour ne pas crever de faim. Personne pour l’aider, ce n’est qu’à lui seul (et à Delfina, la fille des tauliers) qu’il doit de réussir enfin, après une semaine de veine recherches à décrocher un poste de distributeur de tracs anarchistes. Car Barcelone, la ville des prodiges, en 1887 est propice à l’agitation sociale et politique : les ouvriers et manœuvres accourent de partout pour édifier la prochaine exposition universelle.

Mais Onofre trouve qu’il s’agite beaucoup pour bien peu de profit. Il décide donc de se faire voleur, d’abord de lotions capillaires qu’il vend ensuite au bagout sur les chantiers, puis des différentes pièces envoyées par les entrepreneurs pour l’exposition. Habile, le jeune garçon met sur pied un efficace réseau d’enfants-voleurs. Ce ne sont là que les débuts d’Onofre Bouvila dans le monde de la pègre qu’il fréquentera dès lors toute sa vie. Pour s’assurer une place dans ce milieu, il organise une guerre des gangs dont il sort vainqueur. Plus tard, alors que Barcelone est en plein développement, il se lance dans la spéculation immobilière et dans le trafic d’armes durant la Première Guerre mondiale. Autant dire qu’il n’a ni scrupules ni considération pour qui que ce soit, si ce n’est son géant ami Efrén Castells.

Emporté par la veine quasi intarissable de Mendoza, le lecteur de La ville des prodiges suit Onofre à différentes époques de sa vie, séparées par de longues ellipses, mais aussi une infinie galerie de personnages tous plus loufoques les uns que les autres. Ils font généralement l’objet de longues digressions qui noient parfois le lecteur dans des avalanches de détails parfois très annexes.

De même, certaines descriptions minutieuses sont parfois déconcertantes tant elles brisent le rythme narratif et pour tout dire plombent la lecture. Je me souviens d’avoir commencé ce livre il y plus de vingt ans (j’ai retrouvé dedans un calendrier de 1991), en pleine période Mendoza. Son enquêteur farfelu me faisait beaucoup rire, mais  la ville des prodiges m’avait perdue en route. J’ai continué à lire Mendoza et je conseille à tous ceux qui souhaitent découvrir son humour et Barcelone de lire le succulent Sans nouvelles de Gurb.

Aujourd’hui, j’ai beaucoup plus apprécié ma lecture de ce roman : son écriture reproduit le fourmillement d’une ville en ébullition constante où l’on croise les personnages les plus excentriques, les destins les plus farfelus. C’est là et seulement là, que la moche et plate Delfina a pu devenir une star rondouillarde du cinéma muet, grâce à Onofre bien sûr. Eduardo Mendoza nous invite à découvrir comment s’est construit un homme et comment s’est construite une ville, dans l’absolu, ça n’est pas bien beau, mais c’est humain et terriblement romanesque.

Eduardo Mendoza sur Tête de lecture

 

La ville des prodiges

Eduardo Mendoza traduit de l’espagnol par Olivier Rolin
Points Seuil n°R401, 1990
ISBN : 2-02-012245-6 – 505 pages – épuisé dans cette édition

La ciudad de los prodigios, parution en Espagne : 1986

27 commentaires sur “La ville des prodiges de Eduardo Mendoza

  1. Je crois que cet écrivain est noté quelque part dans mon cerveau…
    J’aime bien l’histoire de la carte retrouvée (ça m’arrive avec un petit calendrier… bien vieux!) et aussi qu’à 20 ans de différence ton approche du roman a été différente, et mieux réussie.

    1. Et ça me fait bien plaisir d’ouvrir aujourd’hui un livre ouvert il y a 22 ans… je ne voudrais pas en rajouter une couche, mais c’est le genre d’expérience interdite par le livre numérique. Alors certes, les pages ont jauni, mais il est toujours dans ma bibliothèque ce livre, il m’a suivie, il a une vie…

      1. Avec le livre numérique on n’aura plus ces expériences là, en effet… Les deux SF que je viens de lire, ont connu un déménagement, et ont passé des années en caisse en attendant l’achat d’une bibliothèque (je ne suis pas uen rapide, et ma maison est grande)

    1. L’inspecteur en question revient dans plusieurs volumes, et oui, c’est très drôle, j’aimais beaucoup cet humour-là, j’en relirais bien un autre pour voir si je ris toujours des mêmes choses…

    1. Le début est assez rude, beaucoup de données historiques, de détails, mais après quelques pages, on suit définitivement les traces de cet Onofre Bouvila, avec quand même quelques détours et digressions qui sont vraiment les caractéristiques de ce roman parfois trop foisonnant, c’est vrai.

  2. Un auteur que je projette de lire depuis toujours (enfin presque) et d’autant plus depuis que je connais Barcelone. Il faut que je m’y mette, vraiment, avec ce titre ou un autre.

  3. J’ai hâte de découvrir cet auteur ! Je connais par extraits sans nouvelles de gurbs. J’aime beaucoup le genre picaresque d’où le fourmillement des personnages et la longueur de certains passages. Voilà une incursion dans la ville de Barcelonne qui commence bien !

  4. Intéressante, votre remarque sur la façon différente dont on lit ou relit un livre des années après. Je retiens ces deux titres autour de Barcelone.
    La bibliographie de ce blog est impressionnante, je ne manquerai pas de la consulter.

  5. Je ne connais Eduardo mendoza que de nom, tu m’as donné envie d’en savoir un peu plus et je viens de commander « Sans nouvelle de Gurb »; d’abord le libraire m’a dit qu’il était épuisé; Je partais un peu déçue quand il m’a rattrapée en me disant qu’il avait trouvé, que je pouvais le commander. Voilà un de plus dans ma pile et même si elle est plus haute que ma capacité à lire, je ne me fais pas de souci :chaque fois que j’ai puisé dans tes conseils je n’ai pas été déçue.
    Merci Ys

  6. Cela me fait penser que j’ai gardé ta liste du challenge des 12 d’Ys où les écrivains espagnols sont nombreux; Il va falloir que j’y retourne y piocher. Mendoza n’y était pas et je ne crois pas avoir lu un livre de lui m^me si j’ai l’impression de le connaître!

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