Le Maître de Ballantrae de Robert Louis Stevenson

Le Maître de BallantraeLe succès de L’Ile au trésor et de L’Etrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde tend à éclipser les autres romans de Stevenson, au moins en France. Le Maître de Ballantrae s’inscrit dans la droite ligne des romans historiques de Walter Scott, d’autant plus qu’il prend ici l’Ecosse comme sujet. Il faudra donc que le lecteur qui ne connaîtrait pas Bonie Prince Charlie se documente avant lecture.

En 1745, le prince Charles Edouard Stuart débarque en Ecosse. Il est le petit-fils de Jacques II, chassé du trône d’Angleterre par le roi George (dynastie protestante des Hanovre) : la guerre civile entre jacobites et hanovriens commence. Elle s’achèvera en avril 1746 à Culloden avec la défaite des catholiques qui signe la fin du rêve de restauration des Stuart et de l’Ecosse indépendante.

Les deux frères de la famille Durie s’entendent alors pour partager la loyauté familiale : James l’aîné, le maître de Ballantrae, part combattre au côté du Stuart tandis qu’Henry reste à Durriesdeer pour gérer le domaine et renouveler allégeance aux Anglais. Une simple pièce de monnaie en a décidé ainsi.
James est déclaré mort à la bataille de Culloden et Henry gère donc le patrimoine en héritier. Il épouse Alison, la promise de James, orpheline et riche héritière qui a grandi avec eux. La jeune femme ne vit que dans la souvenir de son premier fiancé, mort en héros. Henry passe pour un traître à l’Ecosse, qui n’a pas aidé son frère.

Mais voilà qu’un homme surgit qui affirme que le Maître a survécu à Culloden, qu’il est parti en Amérique où il a enfoui un trésor et qu’il vit désormais en France. Et qu’il a besoin d’argent. De beaucoup d’argent qu’Henry va lui envoyer secrètement pendant des années, jusqu’à la ruine presque complète. Quand il arrête de lui en envoyer, Henry voit revenir James au manoir où il se conduit en véritable tyran envers lui, à l’insu de tous.

C’est Mackellar, l’intendant, qui raconte l’histoire de ces deux frères ennemis. On comprend que pour Stevenson, bien plus que la reconstitution historique, c’est le drame familial qui prime. L’Histoire est le déclencheur, mais plus que les événements, ce sont les hommes qui intéressent Stevenson. Grâce à Mackellar, le lecteur suit les tourments et scrupules d’Henry victime du machiavélisme de son frère, de la fidélité du père à son aîné et du mépris de sa femme. Pour autant, Le Maître de Ballantrae n’est pas un roman psychologique puisqu’il s’apparente au roman d’aventure grâce aux pérégrinations du Maître. Ainsi se fait-il pirate et voyage-t-il jusqu’en Inde et à travers les territoires les plus sauvages des Etats-Unis.

Le combat entre les deux frères est puissamment construit, c’est lui qui porte tout le suspens de l’intrigue. Le personnage le plus intéressant est bien sûr le « méchant », le maître de Ballantrae dont on ne percevra pas le mystère puisque Mackellar, le narrateur, est au service d’Henry et ne dit que pis que pendre de l’aîné. Mais cet Henry si vertueux est fade au regard de son opportuniste de frère, dénué de scrupules et si intelligent. Il est mauvais par nature et par plaisir, froid et calculateur : rien de moins qu’intrigant. Le plus troublant, c’est qu’on ne sait pas pourquoi James veut à tout prix détruire son frère et avec lui sa famille. Cette absence d’explications fait de ce personnage un être fondamentalement mauvais : une incarnation du Mal.

Le plaisir de cet affrontement entre deux frères qui sont autant de visions du monde, s’est parfois dilué dans les longueurs d’un roman au rythme aléatoire. Car malgré tout, on est loin du roman trépidant. Les aventures se succèdent certes, mais beaucoup de récits sont longs, descriptifs jusque dans les moindres détails. La lectrice pressée du XXIe siècle que je suis n’a certainement pas su apprécier tous les charmes d’un roman qui s’offre quelques lenteurs. Je ne regrette cependant pas ma lecture grâce à ma rencontre avec un être démoniaque, quel paradoxe.

Robert Louis Stevenson sur Tête de lecture – Lire Le Maître de Ballantrae en ligne.

Le Maître de Ballantrae

Robert Louis Stevenson traduit de l’anglais par Alain Jumeau
Gallimard (La Pléiade), 2005
ISBN : 978-2-07-011269-1 – p. 655 à 886

The Master of Ballantrae : A Winter’s Tale, première parution : 1889

19 commentaires sur “Le Maître de Ballantrae de Robert Louis Stevenson

  1. J’ai lu ce roman de Stevenson il y a au moins 20 ans et j’avais beaucoup aimé mais j’étais dans une période lettres classiques, je ne sais pas s’il me plairait toujours aujourd’hui. Par contre je n’ai toujours pas lu Docteur J. et Mister Hyde !

    1. Elles sont loin mes études de lettres, c’est peut-être pour ça que je n’apprécie plus autant les circonvolutions, aussi littéraires soient-elles…

  2. C’est très vrai ce que tu dis sur les romans d’un auteur, éclipsés par ses autres succès. Quel dommage, et en même temps, on ne peut tout lire… Et j’ai bien sûr lu L’île au trésor et Dr J. et Mister H. mais pas le roman dont tu parles.:)

  3. Ton billet me fait un peu peur parce que j’ai ce titre dans ma PAl et si j’ai beaucoup aimé l’île au trésor, je ne peux pas en dire autant de Dr Jekyll and Mr Hyde!

    1. Il n’y a donc plus qu’à essayer. Si c’est l’aspect fantastique qui ne t’a pas plu dans L’étrange cas du Dr Jekyll et de Mr Hyde, il n’y en a pas dans ce roman.

  4. C’est un livre qui m’avait fascinée, au point que je le classe désormais dans mon top 10 sans hésiter. Je n’ai toujours pas lu « L’île au trésor » en revanche…

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