Meurtres en réserve de Eugenio Fuentes

Meurtres en réserveRicardo Cupido est un privé atypique. Il n’a pas de bureau, pas de problème de cœur ni d’alcool ; juste un nom difficile à porter, quel que soit la profession. Ce que le lecteur français ne sait pas car Meurtres en réserve est le deuxième roman mettant en scène Cupido, c’est qu’il a fait de la prison quelques années avant et qu’il a des amis vendeurs de hash. A détective atypique, intrigue atypique : il ne s’agit pas ici de sonder les bas-fonds de l’urbanité ibérique mais de déambuler dans les chemins protégés d’une réserve, dans la ville fictive et provinciale de Breda. Et de faire du vélo aux côtés de Ricardo qui vient d’arrêter de fumer et se remet au sport.

Cupido est engagé par Anglada, un avocat dont la maîtresse vient d’être retrouvée assassinée dans la réserve du Pater Noster, un site en partie englouti par les eaux d’un barrage où un site artificiel a été préservé. C’est alors qu’elle s’y promenait que Gloria García, artiste peintre, a été égorgée. Parce qu’il est débordé, le lieutenant de la Guadia Civil en charge du dossier accepte de travailler avec Cupido. Très peu d’indices pour commencer, si ce n’est un pin’s retrouvé dans la main de la victime et protestant contre les essais atomiques de Mururoa.

Cupido va interroger différentes personnes de l’entourage de Gloria, à Breda et à Madrid où elle avait son atelier et une galerie de peinture : le fiancé, la copropriétaire de la galerie, l’oncle, le jeune cousin admirateur et artiste frustré. Mais aussi des gens en lien avec la réserve qui n’a pas fini de susciter la polémique, au moins pour Doña Victoria, une vieille femme dont les biens ont été engloutis par le barrage artificiel et qui s’est battue toute sa vie pour obtenir réparation. Jusqu’à adopter un enfant pour en faire un avocat qui se bat pour elle.

Mais bientôt, une autre femme est retrouvée égorgée en forêt, selon le même mode opératoire. Sûr qu’il s’agit d’un tueur en série, Anglada retire l’enquête à Cupido qui désœuvré, décide de la poursuivre seul.

Alors que la mode est au polar noir et urbain, Eugenio Fuentes choisit le vert et la petite ville de province pour un roman policier qui s’intéresse plus aux personnages qu’aux enjeux sociaux. L’enquêteur lui-même est original et immédiatement sympathique, les autres sont généreusement cernés à travers des descriptions détaillées. La nature tient également un rôle important, sans être envahissante. Malgré le contexte des villages engloutis, l’auteur ne fait pas dans le militantisme, et c’est tant mieux. Le thème de l’art est aussi présent grâce à Gloria.

Sans être furieusement originale, l’intrigue se tient et l’auteur entretient efficacement le suspens, titillant le lecteur en évoquant par exemple ses personnages masculins sous le seul pronom « il ». Entre interrogatoires et réflexions personnelles, de Breda à Madrid, le rythme est dynamique porté par une belle écriture. Dommage qu’elle soit parfois gâchée par un nombre de coquilles étonnant pour un livre de chez Gallimard : au moins dix.

 

Meurtres en réserve

Eugenio Fuentes
Gallimard (La Noire), 2003
ISBN : 978-2-07-6062-6 – 302 pages – 21 €

El interior del bosque, parution en Espagne : 1999

17 commentaires sur “Meurtres en réserve de Eugenio Fuentes

  1. Ça fait un moment que j’étais pas passé sur ton blog et il me semble que tout a été changé. Je rêve ?
    Après cette chronique on a envie de faire la connaissance de Cupido qui me semble être vraiment original pour un privé puisqu’il ne boit pas et n’a pas de problèmes sentimentaux ! Je vais donc essayer de retenir le titre et l’auteur.

    1. Non, tu ne rêves pas Ray 🙂 changement de titre du blog, du design et de pseudo : seule l’adresse demeure. Ça s’est fait progressivement, mais si tu n’es pas venu ici depuis longtemps, tu vois tout d’un seul coup ! Reviens plus souvent 😉

    1. Oui oui, pourquoi pas, il y a beaucoup de bon titres en polar espagnol qui ne demandent qu’à être lus, à ce qu’on parle d’aux !

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