Parce que le suspens est un élément clé de Silo de Hugh Howey, il serait dommage d’en savoir trop sur l’intrigue avant lecture. A toi donc lecteur qui n’as pas encore découvert ce roman mais qui souhaite le faire sous peu, je ne peux que conseiller de ne pas lire ce billet qui en dira trop quoi qu’il dise.
Car dès les premiers chapitres, on se prend à espérer. Ce sympathique shérif, Holston, il ne va pas mourir tout de suite, déjà ? Ou alors il y a une ruse : il va sortir, nettoyer, avancer, et avancer encore jusqu’à un endroit que les autres ne connaissent pas, un lieu secret, sorte de paradis pour les gens chassés du silo mais qu’il ne faudrait pas dévoiler parce que sinon, ce serait l’anarchie…
Mais c’est de son plein gré qu’Holston décide de sortir dans l’air vicié qui entoure le silo. Il a choisi de suivre le même chemin que sa femme, trois ans après. Il n’espère plus son retour. C’est que lui aussi a découvert, à défaut de les avoir comprises, des données secrètes sur l’activité du DIT, le département d’infotechnologie du silo : ce qu’on voit à l’extérieur, par l’unique fenêtre du silo, n’est pas la réalité ; il y a eu une insurrection dans le passé, voire plusieurs, que s’est-il passé ?
Ces questions, le lecteur se les posera aussi tout au long du livre. Qu’est-ce que tous ces gens font dans ce silo ? Que s’est-il passé ? Qui l’a construit et pourquoi ? Et surtout, sont-ils les derniers survivants. Ça, les habitants du silo 17 ne se le demandent pas, pas au début. Puis quand Juliette, nommée shérif après la mort d’Holston est elle aussi envoyée à l’extérieur et qu’elle survit à sa sortie, tout s’accélère. On suit dès lors Juliette (qui parvient à pénétrer dans un silo voisin), les insurgés du silo 17 qui se rebellent contre le DIT, et Lukas, jeune amoureux de Juliette qui vient d’être adoubé par le chef du DIT pour lui succéder et doit donc en découvrir les secrets, progressivement.
Progressivement car il faut bien avouer que Silo de Hugh Howey comporte quelques longueurs, surtout quand il s’agit de raconter les déplacements des personnages d’un niveau à l’autre. Il est vrai que descendre et surtout monter cent étages, c’est long, mais il aurait été possible d’abréger un peu l’ascension au lecteur.
Le roman joue sur le dévoilement progressif du contexte et du passé. Comme de juste, il y a une caste qui sait et qui opprime, ici celle des informaticiens. Ils doivent cacher aux habitants le pourquoi du comment de l’existence du silo pour préserver la paix sociale. La tyrannie est donc le seul mode de gouvernement possible.
Ainsi Silo de Hugh Howey prouve une fois encore que c’est dans les vieux pots qu’on fait les meilleures soupes. L’auteur américain, auto-édité au départ, n’a pas fait dans l’original, mais a bien choisi ses ingrédients : un lieu clos entouré d’un espace hostile, une destruction en masse dans le passé, une classe dirigeante oppressive qui entretient de nombreux mensonges et donne la mort sans hésitation. Et bien sûr quelques personnages plus malins que les autres qui s’interrogent et bientôt, se révoltent.
Si Hugh Howey séduit, c’est certainement plus grâce à ses personnages qu’il prend le soin d’installer, de densifier (dès la première partie, l’auteur joue sur l’émotion avec ce sympathique shérif qui meurt d’amour pour sa femme). Et dont il n’est pas avare non plus, ce qui me plait toujours : j’aime les auteurs qui n’hésitent pas à sacrifier des personnages auxquels le lecteur s’est déjà attachés, ça n’est pas si courant.
Silo de Hugh Howey est donc un roman efficace, qui ne renouvellera pas le genre du post-apocalyptique mais porte haut ses couleurs. Et une bonne intrigue de temps en temps, ça ne se refuse pas.
Une présentation de l’auteur et du roman sur le site des éditions Actes Sud.
Hugh Howey sur Tête de lecture
Silo (Wool, 2012), Hugh Howey traduit de l’anglais (américain) par Yoann Gentric et Laure Manceau, Actes Sud (Exofictions), octobre 2013, 557 pages, 23€