Le violoniste de Mechtild Borrmann

Mechtild BorrmannCommencer la rentrée littéraire 2014 par un suspens, pourquoi pas. D’autant plus que Le Violoniste de Mechtild Borrmann comblera plus les amateurs de romans historiques que les habitués des éditions du Masque férus de romans policiers. Car pas d’enquête traditionnelle ici, mais une quête familiale dans la Russie du temps de l’URSS et des camps de travail.

Le lecteur suit plusieurs fils narratifs dont celui, initial, racontant l’histoire d’Ilia Vassilievitch Grenko, le violoniste du titre. Alors qu’il termine à Moscou une tournée de concerts, il est arrêté et emmené à la Loubianka où on lui confisque ses affaires, dont son violon. Ce Stradivarius est un cadeau du tsar Nicolas II à son arrière-arrière-grand-père. Ilia est enfermé, interrogé, maltraité sans savoir pourquoi. On l’accuse d’avoir voulu fuir à l’Ouest, avec sa famille à l’occasion d’un concert à Vienne. Forcé de signer des aveux, il est envoyé en camp de travail. On suit par chapitres alternés, le sort de sa femme Galina et de ses deux enfants, déportés comme suspects dans la steppe kazakh.

En 2008, on suit également Sacha Grenko, petit-fils du violoniste. Il a grandi au Kazakhstan, avant l’émigration de ses parents en RFA. Mais ceux-ci meurent peu après leur arrivée en Allemagne dans un accident, de même que son oncle resté au pays. Sacha vient de recevoir un coup de fil de sa sœur qu’il n’a pas vue depuis de nombreuses années car les deux orphelins ont été séparés : elle a besoin de son aide, tout de suite. Mais le jeune homme n’est pas assez rapide : sa sœur est assassinée sous ses yeux et il n’a plus qu’à fuir pour ne pas être soupçonné du meurtre en raison de son passé de délinquant.

Aidé par son riche et puissant patron, Sacha se met à chercher les raisons de la mort de sa sœur et se trouve bientôt contraint de remonter dans le passé de sa famille, jusque Ilia, le violoniste, ce traitre à la patrie soviétique qui a officiellement fui le pays, abandonnant femme et enfants. Il va devoir affronter des hommes bien déterminés à ce qu’il ne fasse pas la lumière sur ce qui s’est alors passé.

Mechtild Borrmann a judicieusement choisi de nous faire remonter dans le passé non pas grâce à l’enquête de Sacha mais bien en suivant chaque personnage à son époque dans des récits séparés. On part donc en exil avec Galina et en camp de travail avec Ilia, on vit au plus près avec eux, affrontant les pires conditions météorologiques, la souffrance physique, la misère. On comprend peu à peu que le violon n’est pas la seule raison de tous les meurtres, que l’histoire a suivi son cours et que même après l’Union soviétique, les magouilles et compromissions d’alors ont encore des conséquences.

Le Violoniste est donc un roman historique à suspens bien ficelé, au plus près des personnages et historiquement dense. Les ramifications entre passé et présent sont crédibles, avec un net avantage à l’intrigue de l’ère soviétique (j’ai trouvé les barbouzes actuels un peu trop efficaces).

Le Violoniste

Mechtild Borrmann traduite de l’allemand par Sylvie Roussel
Le Masque, 2014
ISBN : 978-2-7024-4027-8 – 243 pages – 19 €

39 commentaires sur “Le violoniste de Mechtild Borrmann

    1. Oui, c’est bien le même contexte. Ici, on est plus dans une vieille histoire familiale qui resurgit de nos jours avec un homme qui découvre le passé des siens.

    1. Quelle perspicacité : c’est en effet le noeud de l’histoire ! Mais heureusement, ce n’est pas pour sa valeur marchande (considérable) qu’il est recherché, mais bien pour le symbole qu’il représente pour cette famille.

    1. ça n’est pas à franchement parler un polar, c’est beaucoup plus le roman d’une famille à travers l’histoire, depuis la Russie soviétique et ses conséquences aujourd’hui.

    1. Oh non, pas du tout, il n’est même pas nécessaire d’avoir beaucoup de connaissance historique pour suivre cette histoire. Quand je l’ai lu, je venais juste de regarder le documentaire d’Olivier Rolin sur la bibliothèque perdue d’un camp de travail soviétique : j’avais les images et la tonalité en tête, c’était parfait.

    1. Je me suis dit qu’il n’était pas souvent question de romans policiers et genres apparentés à l’occasion de la rentrée littéraire alors j’ai choisi de m’y coller !

    1. Pas besoin d’en savoir beaucoup, le totalitarisme, les arrestations et déportations, voilà tout. Mais par contre, on découvre beaucoup et c’est aussi ce qui me plait.

    1. Tu sais que c’est des journalistes littéraires qu’il faut se méfier, pas des lectrices passionnées comme moi 😀 J’aime vraiment cette émulation de la rentrée, je m’y laisse prendre à chaque fois, mais avec discernement je crois, j’espère…

      1. Oui enfin beaucoup de livres de la rentrée sont sur vendus par des blogueurs a qui ils ont été offerts ! Je me suis faite avoir plein de fois Donc méfiance de manière générale . Mais je vais lire celui la

      2. Tu sais Galéa, environ 90% des nouveautés que je lis pour ce blog me sont envoyées par les éditeurs (attends, ne pars pas !) : soit qu’ils me les envoient, soit que je demande, c’est comme ça, ça fait aussi partie du boulot (je prépare le festival America en ce moment et je reçois beaucoup de livres). Ces livres sont souvent classés en « à lire » ou « à lire absolument » tout simplement parce que je choisis les livres qui a priori vont me plaire et parce que je n’ai pas envie d’écrire des billets sur des livres sur lesquels je n’ai rien à dire (c’est une politique qui plait aussi aux éditeurs).
        Et j’achète aussi. Par exemple, à l’inverse de bien des blogueuses, je n’ai pas reçu Le liseur du 6 h 27 : l’éditeur ayant certainement jugé que ce n’était pas un livre pour moi, avec raison. C’est ce que je pensais aussi. C’est pourquoi je l’ai acheté (oui, je suis un peu maso…) : et il m’a plu ! S’il m’avait déplu, vu tous les éloges qu’il a reçus, je me serais fait un plaisir d’écrire plein de choses méchantes dessus… limite si je n’étais pas déçue qu’il me plaise 🙂
        Allez fais-moi confiance, Complaisance n’est pas mon deuxième prénom !

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