Curieuse de connaître les premiers titres choisis par la toute nouvelle maison d’édition Piranha, j’ai eu envie de lire Carambole de Jens Steiner, auteur suisse germanophone. Je m’attendais à du bizarre, mais ce n’est pas tant l’étrangeté qui surprend que le rythme lent et l’absence d’intrigue. Sauf que…
Un village et ses habitants, voilà ce qui se trouve au centre de Carambole. Le lecteur en suit un, puis un autre, tantôt à la première personne, tantôt à la troisième. Chacun se raconte et envisage ce qui l’entoure d’une façon particulière : la sienne. Un vagabond, une paralytique, une adolescente, une mère dépassée, un père abandonné. Chacun raconte son quotidien par le petit bout de sa lorgnette, et laisse entrevoir au lecteur certains « événements » collectifs : la chaleur, un sportif célèbre qui disparaît, une explosion…
Le lecteur attentif reconstruira les faits grâce aux évocations des uns et des autres. Le lecteur très attentif verra se dessiner des personnalités bien plus complexes qu’il n’y parait, tant il est vrai qu’un individu se noie dans la collectivité.
Il n’y a ni début ni fin. Tout commence et finit au même instant. L’histoire du monde ne se compose que d’instants d’éternité. Tout est visible en même temps, rien n’est distinct.
Jens Steiner interroge le regard qu’on porte au quotidien sur les êtres et les choses. Le peu que l’on sait de nos voisins, ou même de ceux qui partagent notre vie n’est rien par rapport à leur propre richesse intérieure, et pourtant c’est ainsi que nous nous forgeons un avis sur eux. Il est difficile de se connaître soi-même et pourtant on croit connaître les autres. Alors les choses ne tournent souvent pas comme on l’a prévu, comme dans un jeu qu’on croit mener et qui nous dépasse.
Carambole n’est pas un roman qui nous saisit, nous emporte et nous dépayse. Au contraire. Il nous plonge dans un quotidien quasi amorphe. Tout se joue dans la narration qui intrigue, qui détail après détail, invite à construire une histoire, comme un puzzle à partir de différentes pièces. Le texte fourmille dès lors de réjouissantes invitations au plaisir de lire.
Carambole
Jens Steiner traduit de l’allemand par François et Régine Mathieu
Piranha, 2014
ISBN : 978-2-37119-000-9 – 188 pages – 17 €
Carambole, parution en Suisse : 2013
J’ai repéré cette nouvelle maison d’édition (grâce à toi) et vu que ses romans étaient bien placés dans mes librairies… Yapluka ! 🙂
C’est vraiment bien que les libraires mettent en avant les livres des nouvelles (et des petites) maisons d’édition, parce que noyées dans la rentrée littéraire, elles sont peu médiatisées.
Un livre qui ne m’aurait pas tenté de prime abord mais la réflexion et la démarche de l’auteur me semblent très intéressantes, je note. Dans ce monde d’hyper communication, il est vrai que nous ne voyons que les parties émergentes des icebergs qui nous entourent ; on ne prend plus le temps de creuser un peu…
Avec ce roman, les éditions Piranha ne se lancent pas avec un titre qui happe et séduit d’emblée. C’est un livre assez exigeant, de ces livres qui travaillent le lecteur pendant un certain temps.
Très très tentée ! Dans ma liste de lectures depuis sa parution !
Moi aussi j’étais intriguée : je ne connais pas bien la littérature suisse mais le peu que j’ai lu est assez mémorable (Chessex, Jacaud…)
En voila un qui ne me tente pas du tout. Mais j’ai dans ma pal un autre titre de cette nouvelle maison, « Dernier requiem pour les innocents » d’Andrew Miller.
Ah oui, il a l’air très bien celui-ci aussi, plus traditionnel peut-être mais tentant.
Non, ce roman ne me tente pas.
Un peu complexe mais mérite pourtant lecture…
La démarche de l’auteur est originale et tu en parles si bien que je le note
Je le conseille à tous ceux qui souhaite changer de ce qu’on lit d’habitude.
un peu peur de m’ennuyer
Luocine
Pas le temps : il est très court !
Je lis peu d’auteurs suisses et j’ai entendu de bonnes choses sur celui-ci, donc je le note.
Moi de même, mais je note quand même que les quelques auteurs suisses que j’ai pu lire m’ont marquée.
J’ai d’abord cru que c’était un livre sur le chocolat, bon, j’ai mieux regardé … 😉 Je vais aussi attendre ton prochain avis sur un autre livre de cette maison d’édition
On peut s’y méprendre… et reconnaître les gourmandes 🙂
Lu et approuvé autant le livre que ton article qui résume parfaitement al sensation de lecture de ce Carambole
C’est très étrange la façon dont on découvre peu à peu les personnages… je pense encore à celui sur son balcon avec ses longues-vues…