Ce n’est pas toi que j’attendais de Fabien Toulmé

Ce n’est pas toi que j’attendaisCe n’est pas toi que j’attendais,  c’est ce que pense Fabien Toulmé, car il le constate : « ce qui devait être l’un des jours les plus heureux de ma vie était devenu un véritable cauchemar » : son deuxième enfant, sa petite Julia tant attendue est trisomique. Malgré les dénégations du personnel médical juste après la naissance, ça ne fait aucun doute pour lui.

Et ce bébé, Fabien n’en veut pas. Il ne veut pas la voir, pas la prendre dans ses bras ; il a toutes les peines du monde à parler d’elle, à annoncer sa naissance. Il se prend même à espérer qu’elle meurt de l’opération du cœur qu’elle doit subir. Et il a honte : de lui et de cette enfant. Tout centré autour de lui-même et de son malheur, il passe son temps à pleurer.

Puis c’est la découverte de tout l’environnement médical et psychologique censé les aider qui l’accable et le fait se sentir encore plus différent.

Et le lecteur de partager l’immense peine de ce père désemparé : cette enfant, c’est l’avenir qui se ferme, tout ce qui ne se fera pas, les épreuves à traverser. Il n’y a pas une case que le lecteur ne partage avec lui. Si bien que cette empathie se poursuit quand Fabien découvre enfin sa fille : quand à huit mois elle est effectivement opérée du cœur, il a peur pour elle, peur pour sa vie. Sa petite fille si fragile risque de mourir. Il se rend compte alors que des liens se sont tissés entre eux, des liens de père à fille.

Ce n’est pas toi que j’attendais  est un très bel album autobiographique qui ne passe sous silence aucun des états d’esprit de ce père d’enfant trisomique. L’accablement, la déception, la honte, l’incapacité d’aimer. Fabien Toulmé ne parle que peu de son couple, se centrant sur lui et sur le parcours qui l’a mené à accepter puis aimer son enfant. Et cette sincérité pudique ne peut que toucher le lecteur. Le réalisme du dessin, parfois assez naïf, accentue l’émotion.

Cet album m’a beaucoup fait penser à celui de Miguel Gallardo, Maria et moi, où le bédéiste espagnol raconte sa fille autiste et ses rapports avec elle. C’est quand ils ont accepté la différence que ces papas sortent leurs crayons et racontent. On peut même dire qu’ils témoignent et partagent c’est-à-dire qu’ils confient aux autres leurs histoires enfin assumées. Parce qu’ils en sortent plus forts, plus riches. Parce qu’au final le papa veut dire aux autres et à sa fille :

« Je suis quand même content que tu sois venue »

Merci à Fabien Toulmé de dire tout ça comme ça, avec simplicité, émotion et authenticité. Parce qu’il ne triche pas, c’est une lecture qui bouleverse et interroge sur le regard que nous portons sur les enfants trisomiques et leurs parents.

Le blog de Fabien Toulmé

Ce n’est pas toi que j’attendais  

Fabien Toulmé
Delcourt, 2014
ISBN : 978-2-7560-3550-5 – 243 pages – 18.95 €

22 commentaires sur “Ce n’est pas toi que j’attendais de Fabien Toulmé

    1. Oh mais cette BD te plaira Jérôme, j’en suis certaine. Je ne l’ai pas mentionné, mais il y a aussi de l’humour (le recul permet ça, car Julia a maintenant 5 ans) : je crois qu’on le vois dans l’illustration pleine page que j’ai choisi (« bienvenue à Handicapland »).

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