Il faut se méfier de Samuel Benchetrit, comme en général de tous ces gens pince-sans-rire avec lesquels vous ne savez pas si c’est du lard ou du cochon. Là en l’occurrence, c’est du chien, encore que, du pas répertorié, genre chiot d’Hitler. Oui, je vous ai bien prévenus : il faut se méfier de Benchetrit.
Jacques Blanchot est le genre de type dont personne ne voudrait. Il a pourtant réussi à se marier (en échange de quoi sa femme lui a refilé un gosse qui n’est pas le sien). Voilà portant qu’un jour madame se déclare atteinte de blanchoïte aiguë : allez ouste le Jacques, du balai. Et il s’en va vivre à l’hôtel pour que sa femme puisse se taper un type qui porte des Puma rouges taille 47. Un type qui en impose quoi, pas un Jacques Blanchot.
En passant devant une animalerie, il décide d’acheter un chien. Il se laisse refiler le plus moche, un chiot qui lui rappelle de Troisième Reich, avec niche, croquettes, laisse et dix leçons de dressage par un maître-chien fascisant. A peine sorti de l’animalerie, le chiot d’Hitler rencontre les roues d’un bus qui mettent un terme à la cohabitation : tellement ratatiné le cleps qu’il est impossible de le décoller du bitume. Le type est aussi bouleversé par la mort de son chien que par la séparation d’avec sa femme : il poursuit son chemin, s’installe à l’hôtel et se met à bouffer les croquettes. Puis à dormir dans la niche.
J’adore cet humour et quand j’ouvre un livre de Benchetrit je n’oublie jamais que J’ai toujours rêvé d’être un gangster est un des films qui m’a fait le plus rire. Benchetrit manie l’humour triste et l’absurde comme personne et il serait même capable de faire passer Chien pour un roman sur la cause animale. Non mais, franchement ? Parce que le type bien sûr n’en reste pas là : les leçons de dressage qu’il a payées, il va les prendre avec lui-même dans le rôle du chien. Et ça devient complètement pitoyable et délirant. Petit à petit il se défait de son humanité en acceptant toutes les humiliations : il tire plus de satisfaction à être un chien qu’un humain.
Cet humour-là n’est pas comique, c’est l’humour des perdants. Chien de Samuel Benchetrit orchestre une comédie pathétique mais bienveillante, un parcours vers l’anéantissement de soi au ton absurde et décalé. Diablement habile aussi puisque du drame kafkaïen on débouche sur un scénario aussi angoissant que le sauvetage des 101 Dalmatiens : les chiots de Pongo et Perdita vont-ils finir transformés en manteau pour l’abominable Cruella ?
Malgré les belles affirmations de l’auteur ici et là, je ne crois pas une minute au roman sur/pour/par amour des chiens. J’y vois une vraie blague, un pied de nez à cette société qui nous voudrait tous souriants et beaux sur la photo. Que les médiocres se transforment en chiens qui finiront écrasés sous les roues d’un bus ! Et vive l’humour noir, très noir, de Samuel Benchetrit !
Samuel Benchetrit sur Tête de lecture
Chien
Samuel Benchetrit
Grasset, 2015
ISBN / 978-2-246-80457-4 – 281 pages – 18,50 €
Cela m’a l’air assez ‘malade’ pour me plaire;..
Je pense aussi !
J’aime beaucoup l’homme, sa façon d’être mais je ne l’ai jamais lu ! Je n’aime pas spécialement le loufoque (contrairement à Keiha, pardon Keisha^^) mais quand l’absurdie rejoint l’humour et une vraie réflexion, ça pourrait me plaire…
Comme tous les livres bizarres, il est difficile de cerner exactement le lectorat. J’imagine que certains pourront le lire sans le trouver drôle, ça dépend de l’angle de vue…
Idem que Keisha ! Oooho ! Voilà un livre que je pense pouvoir apprécier à sa juste valeur.:-) Merci pour cette découverte !
J’aimerais bien savoir si vous aussi vous y trouverez un roman sur la cause animale !
Bon, A girl et moi on est découvertes!!! ^_^
oui , bon, le loufoque , je me méfie, je n’aime ça qu’à petite dose et tout un roman j’ai peur que ça m’agace …..Tant pis je passe
C’est très particulier et je comprends tout à fait que ça puisse agacer.
Un humour très noir qui pourrait me plaire.
Oui, je le pense aussi.
Je rejoins plutôt Luocine sur ce coup-là. Et puis un chien tout ratatiné… ça va être dur pour mon petit coeur tout mou 😉
Ben oui, imagine : il est tellement incrusté dans l’asphalte le clébard que son maître ne peu même pas en récupérer le moindre petit bout 😀
J’ai été pliée en quatre tout le long de « J’ai toujours rêvé d’être un gangster » !!! Trop envie de le revoir d’ailleurs. Par contre je suis plus sensible à ce genre d’humour au cinéma qu’en littérature, je n’avais d’ailleurs pas trop aimé « Récit d’un branleur ».
Moi aussi, à chaque fois que je pense ou reparle à ce film, j’ai envie de le revoir. J’ai raconté des scènes aux miens déjà, ça ne les a pas fait rire du tout et ils ne me comprennent pas du tout : moi qui ris si peu devant des films (surtout ceux qui les font rire en fait), ils ne comprennent pas l’humour des ces paumés hilarants… me sens seule parfois…
Toujours ravi de lire SB .. Bien que ce n’est pas tellement écrit pour lire sur la plage…!
Manque des « chroniques… de l’asphalte »…