C’est à Akureyri, au nord de l’Islande qu’Einar, correspondant pour le Journal du soir voit passer les heures. Cet ancien alcoolique vit avec sa péruche et se réjouit de l’arrivée prochaine de sa fille de seize ans, Gunnsa, et de son petit ami Raggi. Enfin il se passe quelque chose dans la vie d’Einar qui après une période trouble aimerait renouer des relations avec sa progéniture. Il se réjouit bien moins des festivités qui s’annoncent : le Week-End des Commerçants est une fête très attendue qui permet à toute la famille de s’amuser, mais surtout à la violence de surgir au grand jour sous couvert de liesse populaire. Les débordements sont nombreux et très avinés.
C’est le moment que choisissent deux « stars » hollywoodienne pour rallier cette capitale du Nord : une actrice blanche et un acteur noir de seconde zone débarquent pour repérer les lieux d’un prochain film qui promet d’être très chaud. Une équipe les a précédés sur place, chargée de trouver une maison pour le tournage. La maison est justement celle où Einar est en planque : une folle éméchée qui se dit médium lui a affirmé qu’on y voyait des fantômes. Mais c’est le cadavre d’une jeune femme que le journaliste découvre dans la baignoire.
Le dresseur d’insectes, deuxième roman mettant en scène le journaliste Einar, plonge le lecteur dans une société islandaise pas loin d’être sordide… La violence et l’alcool sont au coeur de l’intrigue et des foyers. Les familles sont détruites par des jeunes aux prises de plus en plus tôt et de plus en plus facilement avec toutes sortes de drogues. Gunnsa, la fille adolescente d’Einar boit beaucoup, sort jusque très tard avec des gens qui lui étaient inconnus la veille. Une sociabilité toxicomane se crée facilement, sans que les parents n’y puissent rien. Einar encore moins que les autres, puisqu’il a lui-même été alcoolique et qu’il ne veut pas passer pour un vieux con aux yeux de sa fille retrouvée.
Einar entre en rapport avec la médium alcoolique et la prend en pitié. Il découvre l’histoire de la jeune morte, droguée, et les moeurs de l’équipe de tournage américaine. Totalement investi dans son enquête, il va jusqu’à faire un séjour dans un centre de désintoxication pour en apprendre plus sur les deux femmes.
Le lecteur suit Einar pas à pas. Le cadavre n’est découvert qu’après une centaine de pages, c’est dire si Arni Thorarinsson prend le temps de planter son triste décor. Pas un décor de carte postale, car on l’aura compris, l’auteur islandais ne vante pas les charmes de son pays. Ainsi prend-on la mesure des tensions de la ville et des enjeux du fameux week-end festif. Le personnage d’Einar est très réussi, tout en humour et autodérision pour mieux faire face au naufrage de sa vie. La fille d’Einar, son jeune collègue photographe, le commissaire principal ou la médium sont tous pétris d’humanité et incarnent une situation sociale plus que critique. A l’évidence la consommation d’alcool chez les femmes, en particulier les jeunes femmes, fait des ravages en Islande.
Malgré un rythme lent, l’alchimie de ce roman policier fonctionne car Arni Thorarinsson fait preuve d’une grande bienveillance à l’égard de ses personnages qui ne sont pourtant pas des héros, plutôt des faibles et des irresponsables. Cette attention pour les cabossés de la vie se conjugue avec un regard cette fois sans concession sur une société qui permet tous les excès, renonce à la compassion et se laisse gangrener par l’argent et le vice.
Le dresseur d’insectes
Arni Thorarinsson traduit de l’islandais par Eric Boury
Métailié, 2008
ISBN : 978-2-86424-666-4 – 368 pages – 20 €
Dauði trúðsins, parution en Islande : 2007
Je ne lis pas de polar, mais en te lisant je me dis que je devrais m’y mettre. Cela me donnerait une toute autre image de la littérature islandaise.
Comme beaucoup de polars actuels, celui-ci est très social, et tout à fait réussi. J’ai beaucoup apprécié l’empathie de l’auteur pour ses personnages. La vision du pays qu’il nous livre n’est pas réjouissante, mais réaliste, j’imagine.
J’ai un Indridason à lire (je rate vraiment tous les RV…)
La semaine prochaine : Portugal (Mario de Carvalho, Lidia Jorge, Gonçalo M.Tavares et Mia Couto). Avec les Rendez-Vous de l’Histoire à préparer, je ne sais pas si je serai moi-même dans les temps, mais je vais essayer…
J’ai abandonné « le temps des sorcières » qui ne m’a pas accrochée du tout, je m’ennuyais. Je devrais peut-être refaire une tentative.
J’ai lu quelque part, je ne sais plus où, que le premier n’était pas le plus réussi de la série. Ça tombait bien, je n’avais chez moi que le deuxième. Et je ne me suis pas ennuyée. Ceci dit, il a le rythme des polars nordiques (pour ce que j’en ai lu) : ça n’est pas trépidant mais le regard sur la société est implacable. Ici, j’ai apprécié les personnages et l’angle de vue, et en plus, l’intrigue tient la route. L’enquêteur n’est pas très original (ancien alcoolo, divorcé, plutôt marginal), mais attachant dans ses failles.
Je ne connais pas du tout cet auteur. Je ne suis pas spécialement friande de littérature scandinave, bien qu’il m’arrive d’en lire et parfois même avec beaucoup de plaisir – « Un été avec Kim Novak » du Suédois Hakan Nesser étant le dernier en date, que j’avais beaucoup aimé. Alors pourquoi pas ?
Moi non plus, je ne suis pas très nordique. C’est aussi parce que je ne voyage pas beaucoup finalement en littérature que je me fixe ces rendez-vous avec l’Europe des écrivains.
Des romans noirs nordiques qui servent souvent à nous parler de la société. Mais ils sont souvent lents.
Je n’ai jamais lu cet auteur; est-ce du style Indridason ?
Je n’ai lu que deux Indridasson et un Thorarinsson, mais il me semble que le point de vue de ce dernier est plus social.