Sandrine Madison a été retrouvée morte dans son lit par son mari Samuel. Le lecteur le rencontre quand s’ouvre son procès : c’est en effet lui qui est accusé d’avoir empoisonné sa femme puis d’avoir maquillé le meurtre en suicide. C’est à travers ses yeux qu’on assiste à son procès, jour après jour. A la barre se succèdent les témoins qui dressent un portrait de Sandrine mais aussi de Samuel. Il apparaît rapidement comme un être froid et égoïste. Pour autant, a-t-il tué sa femme ?
Le tour de force de Thomas H. Cook est de laisser cette question en suspens pendant tout le livre alors que Samuel est le narrateur. Son discours reste assez ambigu pour que le lecteur ne puisse pas trancher de façon certaine en faveur de son innocence ou de sa culpabilité.
Ce qu’en revanche on comprend à la fois par les dépositions des témoins, tous appelés par le ministère public, et par les réflexions de Samuel lui-même, c’est qu’il est très calculateur et réfléchi. Que Sandrine était une femme belle et brillante, socialement et intellectuellement supérieure à lui. Qu’il n’a jamais écrit le grand roman qu’il projetait à vingt ans et qu’au final, c’est un médiocre. Il s’est peu à peu enfermé dans son travail universitaire et dans sa petite ville et le couple, après plus de vingt ans, n’était pas épanoui.
Comment un homme intelligent avait-il pu en arriver là ?
On apprend que Sandrine Madison souffrait d’une maladie incurable qui aurait donné lieu à une longue déchéance. Que Samuel avait une triste liaison avec une femme du cru. On le comprend : ce Samuel est inquiétant car il ne ressent rien. Il est devenu indifférent à tout et on se dit qu’il aurait très bien pu assassiner sa trop belle épouse par jalousie, par rancœur ou pour s’éviter la pénible fonction de garde-malade.
Samuel Madison n’a rien pour lui ; il n’a pas d’amis non plus dans cette petite ville où tout le monde admirait Sandrine. Est-il possible au final qu’il soit victime de son manque d’empathie ? Son non conformisme pallierait-il l’absence de preuves ? Être un homme froid, renfermé, hautain, certainement désagréable joue à l’évidence en sa défaveur. Face à un ministère public sûr de lui, il risque sa tête dans cet état qui applique la peine de mort.
Aussi la tension est-elle grande tout au long du Dernier message de Sandrine Madison. Qui n’est pas un thriller ni un roman noir, plutôt un roman psychologique très habile, car le message en question, celui de Sandrine à son mari par-delà la mort n’est pas celui qu’on pense au départ. Thomas H. Cook dissèque le mariage, le triste parcours d’un couple vaincu par le quotidien, les désillusions. Quand et comment cet amour est-il mort ? Telle est la vraie question du roman, portée par celle plus romanesque de la culpabilité de Samuel. Avec en toile de fond une société prompte à condamner celui qui ne joue pas le jeu de l’intégration.
Thomas H. Cook sur Tête de lecture
Le dernier message de Sandrine Madison
Thomas H. Cook traduit de l’anglais par Philippe Loubat-Delranc
Seuil (Seuil Policiers), 2014
ISBN : 978-2-02-111412-6 – 384 pages – 21 €
Sandrine’s Case
Oups, il sera au festival? Faut que je m’agite, là (et je suis en train de lire un Kassishke, faisant fi de mes préventions et te faisant confiance, c’est un titre dont tu as dit du bien je crois, les revenants)
Bon, je crois que je vais te faire copier 5 fois la liste des invités du festival 😀
je viens de prendre du temps pour taper mon commentaire, ai pris le temps d’aller sur la liste du festival america (enfin, les débats y sont) de te taquiner avec Levison, Backderf et Smiley car là je pense avoir une longueur d’avance sur toi, de t’annonce que le De la pava vient d’arriver (oh oui, tu m’avais prévenue de la taille de la bête), de boire du thé, et paf, d’après wp (?) le temps s’est écoulé , mon commentaire est à la baille.
Je note ! Jamais lu Thomas H. Cook et je ne dis jamais non à un bon polar ! 😉
C’est moins un polar qu’un suspens psychologique, mais on s’interroge cependant tout du long sur la culpabilité ou non du mari.
Je n’ai lu qu’un seul roman de lui, qui m’avait plu ; je suis prête à récidiver.
Je suis loin de les avoir tous lus, mais mon préféré à ce jour est Les leçons du Mal. Et j’ai le tout dernier à lire : j’en parle d’ici septembre !
beau billet à la fois très précis et qui pourtant ne divulgâche rien de l’intrigue, merci Sandrine
Si j’ai su te donner envie alors je suis ravie 😉
Auteur à découvrir aussi pour moi. Je vais me faire un programme du tonnerre pour ce mois d’août, j’ai pas mal de livres et d’auteurs en attente, je vais essayer d’en lire un maximum.
Avec America et la rentrée littéraire, le mois d’août n’est plus ce qu’il était : on a tous un programme d’enfer ! 🙂
J’ai lu 1 T.H.Cook et j’avais bien aimé. Un deuxième me semble évident et je note.
Le Papou
Moi celui-là, il fallait que je le lise : c’est la première fois que je lis un roman dont l’héroïne porte mon prénom…
Mon préféré reste ‘les feuilles mortes’ qui est plus un roman psychologique qu’un polar comme celui là
Alors il est possible que tu aimes celui-là aussi 😉
Aaaah Sandrine qui ne cesse de me tenter avec ses suggestions. Je prends note avec plaisir. Belle journée.
Ça me fait bien plaisir que tu trouves ici des idées de lecture !
De Thomas H. Cook, je n’ai pas tout aimé, mais je renouerais bien avec ! 😉
Grand auteur s’il en est ! (et moi petite animatrice qui tremble déjà 😀 )