Station Eleven d’Emily St. John Mandel

Station ElevenAu cours d’une représentation à l’Elgin Theatre de Toronto, le célèbre acteur Arthur Leander meurt sur scène d’une crise cardiaque. Dans la salle un spectateur, Jeevan Chaudhary, se précipite pour lui faire un inutile massage cardiaque. Kirsten Raymonde, petite actrice de sept ans reste pétrifiée devant cette scène qui n’était pas prévue. Jeevan s’occupe d’elle avant que Tanya la baby-sitter ne l’emmène dans les loges et ne lui donne un presse-papiers, « une boule en verre dans laquelle était emprisonnée une nuée d’orage« . Peu de temps auparavant, dans cette même loge, Arthur lui a donné deux exemplaires d’un comics dessiné par sa première femme intitulé Station Eleven.

Telle est la scène inaugurale du dernier roman d’Emily St. John Mandel, qui se révèle être également une scène finale. Alors que se joue le drame de la mort d’Arthur Leander, le virus de la grippe de Géorgie est en train de se répandre à très grande vitesse à la surface du globe, éradiquant 99% de la population mondiale. Kirsten et Jeevan seront parmi les très rares survivants bien qu’ayant pris des routes tout à fait différentes.

On retrouve Kirsten membre de la Symphonie Itinérante, vingt ans après l’apocalypse. Avec d’autres acteurs et musiciens, elle sillonne le Canada et joue Shakespeare aux quelques communautés rencontrées. Le voyage est beaucoup plus sécurisé que dans les années qui ont suivi la catastrophe où les affrontements étaient nombreux (mais de ces vingt années, on ne saura quasi rien). Cependant, ici et là sévissent encore quelques illuminés. Ainsi, arrivant à St. Deborah by the Water, la Symphonie sent le danger : la ville est tombée sous la coupe d’un prophète, un illuminé qui n’hésite pas à tuer et à épouser des enfants de douze ans. Kirsten s’inquiète pour son amie qu’elle a laissée là deux ans plus tôt, enceinte.

L’histoire de Kirsten et de son groupe croise celle d’Arthur, de ses trois épouses et de son ami Clark. C’est à Miranda, première épouse d’Arthur qu’on doit Station Eleven. Elle a passé une grande partie de sa vie à dessiner quelques exemplaires, jamais publiés. Le lecteur suit Miranda dans son histoire d’amour avec Arthur (qui dure trois ans), sans vraiment comprendre ce qui la lie à l’apocalypse. Quand après cent trente pages, le lecteur comprend que le chien de Miranda au moment où elle était mariée avec Arthur portait le même nom que le chien du prophète bien des années après, il se dit qu’il tient une piste, un début d’intrigue. Mais non.

La bonne idée du roman, c’est la troupe itinérante qui envers et contre tout poursuit le spectacle, l’illusion, le rêve. Malgré l’apocalypse, encore Shakespeare. De leurs motivations pourtant on ne sait rien, ou si peu. C’est l’avant qui semble intéresser Emily St. John Mandel, malheureusement. Les amours du fade Arthur Leander se multiplient et ennuient. Les pages sont de plus en plus difficiles à tourner, surtout quand l’auteur décrit par exemple les séances de travail de Clark avant la catastrophe : long, très long. Et surtout, elle n’en fait rien par la suite. Pas plus que du Musée de la Civilisation ou de Shakespeare.

Celui qui est intéressant, ce n’est pas Arthur mais son fils Tyler. Alors que d’autres personnages de moindre intérêt sont largement décrits, celui-ci, essentiel, est passé sous silence ou quasi. On ne saura rien de sa trajectoire, dommage.

Station Eleven ne me semble donc pas être l’événement attendu, le grand roman post apocalyptique écrit par un auteur de littérature blanche. Quoi qu’il en soit, celui-là, on l’a déjà eu.

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Station Eleven (Station Eleven, 2014) d’Emily St. John Mandel traduite de l’anglais (canadien) par Gérard de Chergé, Rivages, août 2016, 477 pages, 22€

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