Le Quinconce, tome 1 de Charles Palliser

le quinconceLe Quinconce tome 1 car comme on l’imagine, il s’agit d’une pentalogie. Se lancer dans une lecture au long cours demande une certaine motivation, construite pour ma part sur une série de présupposés qui ne se sont pas tous révélés exacts. Si ce premier tome n’est pas décevant, il ne correspond cependant pas tout à fait à mes attentes. J’imaginais, je ne sais plus pourquoi, un texte se jouant avec virtuosité de la narration, voire une mise en abime de l’acte d’écrire que je n’ai pas trouvée. Il s’agit ici de rien d’autre qu’un roman victorien.

Le jeune John est le narrateur d’une grosse proportion de ce premier tome. Il vit dans un village retiré avec sa mère, Mrs Mellamphy. Ils ont plusieurs domestiques à leur service, dont Bissett, la nourrice. On ne sait pas quel âge il a au début, mais probablement cinq ou six ans. Il ne sait rien de sa famille, pas même si son père est vivant. Les années passent et la mère se dérobe à toute question. Il est heureux mais se sent de plus en plus prisonnier car il ne sort jamais et ne voit personne. Un jour un drame a lieu quand un vagabond essaie de s’introduire nuitamment dans la maison pour voler et emporte la chère écritoire de sa mère.

Quelques chapitres assez obscurs sont consacrés à des personnes qui dans l’ombre œuvrent à la perte de la soi-disant Mrs Mellamphy. Qui est probablement issue d’une noble famille déchue et est en possession d’un document que plusieurs partis souhaitent récupérer. Elle ne veut à aucun prix s’en défaire puisqu’il doit assurer l’avenir de son fils John.

On pourrait croire Le Quinconce écrit au XIXe siècle, le traducteur a en effet réussi à rendre l’écriture de Palliser dans ce texte qui semble stylistiquement daté. On y retrouve également des caractéristiques propres aux personnages romanesques de cette époque : jamais un mot plus haut que l’autre, un respect mortifère des conventions sociales et une absence totale d’expression des sentiments. Pour le jeune John, ce contexte est d’autant plus délétère qu’il ignore son histoire familiale et ne sait même pas qui il est.

Je n’ai pas grand goût pour les romans victoriens, notamment en raison de leurs intrigues simplistes et de leurs personnages souvent caricaturaux. Ici, on ne peut pas dire que l’intrigue soit simple, bien au contraire, on s’y perd même un peu au début tant l’auteur se plaît à déverser ses indices au compte-gouttes. Qu’est-il arrivé à la mère de John pour qu’elle ait ainsi besoin de se cacher ? On sent le drame amoureux, la rivalité entre familles puissantes… Ce qui reste assez classique.

D’où mon questionnement : pourquoi un écrivain américain écrit-il au XXe siècle un roman victorien ? Je n’ai pas de réponse ferme puisque je n’ai jamais questionné l’auteur, mais en tant que lectrice, si j’aimais les romans victoriens, je lirais Charles Dickens. Et après avoir lu tout Dickens, je lirais William Wilkie Collins et Anthony Troloppe. En lisant un roman victorien moderne, j’en attends autre chose, au moins d’être surprise d’une façon ou d’une autre comme ce fut par exemple la cas avec Du bout des doigts de Sarah Waters. Elle modernisait le roman victorien, entre autres en nous épargnant des descriptions longues comme le bras que Charles Palisser fait durer, notamment en ce qui concerne les transactions immobilières destinées à ruiner Mrs Mellamphy. Descriptions qui pour être minutieuses n’en sont pas moins incompréhensibles, donc inutiles.

A l’issue de ce premier tome, je ne suis donc pas séduite, voire même un peu déçue. Je n’ai pas trouvé ici l’audace narrative, la densité émotionnelle ni la complexité que j’attendais. Mais John s’est endormi dans la diligence qui l’emmène vers Londres où sa mère et lui s’enfuient…

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Le Quinconce – 1 : l’héritage de John Huffam

Charles Palliser traduit de l’anglais par Gérard Piloquet
Phébus (Libretto n°476), 2015
ISBN : 978-2-36914-164-8 – 289 pages – 9,70 €

The Quincunx : The Inheritance of John Huffam, parution aux États-Unis : 1989

15 commentaires sur “Le Quinconce, tome 1 de Charles Palliser

  1. Il me semble l’avoir commencé au siècle dernier, car contrairement à toi j’aime bien les romans victoriens (et ce qui est chouette c’est qu’ils sont bien longs, bien dodus), mais là, abandon!

  2. Je comprends ton point de vue sur le pourquoi de cette écriture victorienne, mais je n’ai pas vraiment d’avis définitif et comme je ne connais pas non plus l’auteur, difficile de me faire une idée. Merci pour cette critique.

    1. Je ne sais pas s’il a écrit d’autres livres, mais celui-là est clairement son Grand Oeuvre… J’étais partie enthousiaste, mais je me suis toute dégonflée en cours de lecture, au point d’en finir toute raplapla 🙂 Mais je me suis dit que j’allais quand même écrire un billet, qu’il se présenterait bien quelqu’un pour m’expliquer l’intérêt de cette lecture…

  3. Je ne comprends pas comment on peut écrire un roman à la manière des romans victoriens en 1989 (ne pas confondre les vrais et le revival) sans prendre aucune distance, ça n’a aucun sens !

    1. Je te donne un exemple précis. Les ennemis de la mère de John montent un plan dans la durée très complexe pour la ruiner : il s’agit d’investissements immobiliers avec financements frauduleux, prête-nom, tractations illégales …etc. Et tout ça décrit sur des pages et des pages. Nous seulement c’est incompréhensible à nous Français parce que c’est du droit britannique, mais en plus du droit qui date du début du XIXe siècle et que même les Britanniques ne doivent guère mieux comprendre que nous ! Je ne comprends absolument pas à quoi ça sert, vraiment…

  4. j’ai lu ce roman avant mon ère luocinesque t il fait partie des flops alors qu’une libraire bien attentionnée me l’avait mis de force ou presque dans les mains.

  5. Je suis assez d’accord avec toi. Ce roman moi aussi me tente, mais ce qui m’a retenu jusqu’à présent, c’est qu’il me reste tellement de vrais victoriens à lire. Du coup, s’il n’y a pas d’effet de distance ou de pastiche/hommage, j’avoue que je ne suis plus du tout tenté.

  6. J’en avais entendu parler comme d’une oeuvre en 5 tomes chacun divisé en 5 parties et donc j’imaginais une structure mathématique complexe. ais si ça ne se lit pas avec plaisir…

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