Crépuscule sanglant, c’est la vie rude et violente des frères Little dans les années 1840. Le roman s’ouvre sur la famille Little et sous le signe de la violence et de l’instinct. Quand on est offensé chez les Little, on ne réfléchit pas : on cogne. Le père, surnommé Daddyjack est un dur à cuire qui zigouille quiconque invite sa femme à danser. Il faut dire qu’il s’est fait un peu avoir et n’a découvert que sur le tard son passé de prostituée… et qu’il ne l’a pas bien pris du tout. Pour punir, donner l’exemple et inscrire sa loi dans la chair, il frappe.
Jusqu’au jour où c’est le coup de trop et voilà les deux frères qui font passer le paternel de vie à trépas. Leur jeune sœur Maggie en profite pour s’enfuir (la vie familiale était pour le moins difficile à supporter pour une jeune fille…) et ils tracent la route vers l’Ouest, la Louisiane d’abord où ils sont séparés. On suit donc ensuite alternativement John et Edward qui vont prendre des routes bien différentes pour arriver tous deux au Mexique. L’un dans les rangs de la Spy Company où des Mexicains s’engagent aux côtés des Américains, l’autre dans ceux des Saint-Patrick, ces Américains qui ont déserté pour s’engager auprès des Mexicains, catholiques comme eux.
En ce temps-là c’était la guerre contre le Mexique pour la possession des terres, la guerre plus diffuse contre les Indiens. Les frères se font chasseurs de scalps, tueurs de Mexicains, traqueurs de tout ce qui devient l’ennemi en changeant de clan. Ils vivent l’arme à la main, tuent sans problème ni sentiment. Ils tuent pour gagner de l’argent ou parce qu’ils s’estiment insultés. Ils tuent pour se protéger car la vie sans arme est impossible. Ils tuent parce qu’ils sont hantés par la mort et la culpabilité (d’avoir tué papa, d’avoir violé sœurette…). Et ils n’ont que seize ans…
Crépuscule sanglant doit plus à Sam Peckinpah qu’à John Wayne. Pas besoin d’images pour comprendre que les frères Little puent, qu’ils ne sourient jamais et sont couturés de cicatrices mal refermées. James Carlos Blake donne dans l’hyper réalisme de l’Ouest, directement issu du Nouvel Hollywood. Si ses personnages sont clairement du côté des hors-la-loi, ils n’ont rien de ces anti-héros qui bravent l’autorité au nom d’un idéal de Justice ou d’une légitime vengeance. Tourmentés certes les frères Little mais primaires, sans aucun idéal ni aucune morale. De l’Américain brut de décoffrage, une sorte d’animal aussi mal dégrossi que son pays. Et ça fait toujours peur d’imaginer que les États-Unis se sont ainsi construits, même si les écrivains nous le disent assez, sur tous les modes. On a beaucoup comparé Blake à Cormac McCarthy, mais la langue de Blake est bien moins rude, plus poétique et généreuse que celle de McCarthy. Il y a donc plus d’humanité dans les personnages de Crépuscule sanglant, et le désespoir n’en est que plus grand…
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Crépuscule sanglant
James Carlos Blake traduit par Laetitia Devaux
Rivages (Rivages/Thriller), 2002
ISBN : 978-2-7436-0989-3 – 358 pages – 20,60 €
In the Rogue Blood, première parution aux États-Unis : 1997
Un bon vieux bouquin pour Jerôme, non? ^_^
C’est du très sombre américain comme il aime en effet…
j’aime ce genre aussi, peut-être pas pour tout de suite mais pour bientôt 🙂
Je vais lire quelques westerns ces temps prochains, il y en a de très différents.
Tes dernières phrases sont terribles.
Plus les personnages sont incarnés, et plus leur souffrance nous est sensible, me semble-t-il…
Je n’ai jamais lu cet auteur… cela semble bien sombre, tout de même. 😉
Le titre ne me tentait pas spécialement, mais ton billet m’a convaincue, c’est noté!