L’Idaho vous connaissez ? Moi non plus. J’ai bien failli mais non. On a du mal à le situer sur une carte des États-Unis et on a généralement jamais entendu parler de sa capitale, Boise. Deux romans portent pourtant son nom, celui d’Andria Williams donc et celui d’Emily Ruskovich. Y aurait-il donc quelque chose d’intéressant par là-bas ?
Fin des années 50 : le taciturne Paul est muté à Idaho Falls pour s’occuper d’un réacteur de l’armée. Il emmène avec lui sa jeune femme Nat et ses deux petites filles. Avec elles, ce sont l’énergie et la vitalité qui débarquent sur cette morne base militaire, sorte de panier de crabes dans lequel les convenances font loi. Il faut être une épouse comme il faut, point trop débordante ni démonstrative. La société conservatrice est d’autant plus étouffante pour les individus qu’elle se plie aux normes militaires de cette base où le secret est de mise.
Plusieurs personnages sont tour à tour mis en lumière mais c’est celui de la jeune Nat qui reste le plus intéressant. Elle est le symbole même d’une femme qui doit entrer dans un carcan pour correspondre aux normes, pour faire partie de la société. Son énergie, ses aspirations, ses pulsions doivent être brimées pour qu’elle demeure un individu acceptable. Une suite de sacrifices pour une vie proprette.
Je ne sais quel est le but d’Andria Williams, elle-même femme de militaire, dans ce roman. Je l’ai personnellement trouvé profondément déprimant, même si j’en ai apprécié la lecture. Nat, mariée vite fait et sans doute naïvement amoureuse a vingt-quatre ans et deux enfants. Elle s’enferme dans cette petite communauté d’Idaho Falls comme dans un cimetière pour suivre son mari et jouer son rôle d’épouse. Elle doit obéir aux conventions sociales en étouffant toute énergie vitale pour un mari morose et sans envergure. Même ses fantasmes sont corsetés. Elle est déjà tellement formatée par la société que la transgression peine à s’incarner : plonger tout habillée d’une falaise est un summum, sourire à un homme une trahison.
Ainsi Andria Williams dépeint-elle le destin de nombreuses femmes dévorées vivantes par la société. Certaines parviennent à garder une porte de sortie tout en conservant les apparences. Andria Williams soigne ses personnages secondaires, donnant ainsi de la profondeur à son propos. Entre hypocrisie et bienséance, les tensions s’aiguisent avec en arrière-plan une société américaine proche de la rupture, symbolisée par l’explosion du réacteur nucléaire d’Idaho Falls : on a préféré minimiser les problèmes, les passer sous silence plutôt que de les affronter.
Ce livre est comparé à La fenêtre panoramique de Richard Yates, que j’ai abandonné par ennui. Je trouve Idaho plus réussi.
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Idaho
Andria Williams traduite de l’anglais par Christel Paris
Kero, 2016
ISBN : 978-2-36658-200-0 – 477 pages – 20.90 €
The Longest Night, parution aux États-Unis : 2016
Une lecture qui a l’air assez déprimante ..
Le livre est bien écrit mais l’univers social mis en place est vraiment déprimant en effet : c’est un tel gâchis de vitalité…
Mmouais, une thématique redondante dans la littérature américaine que je lis en ce moment. Je crains l’ennui, plus que la déprime.
Il est souvent question de couple il est vrai… mais ce n’est pas un roman ennuyeux.
Je ne l’ai pas trouvé déprimant, mais représentatif des années cinquante, oui, c’est sûr… et vraiment bien fait.
Oui, tout à fait : on a bien de la chance en tant que femme d’être (sous nos tropiques) généralement sorties de ce schéma.
Pas tentée, mais je vais aller regarder sur une carte où se trouve cet état 😉
Ooh je l’avais lu (en 2017), et je ne l’avais pas plus apprécié que ça (2.5 rocks).
Et donc, je le trouvais pas mal écrit, bonne dynamique, bon développement psycho, mais j’aurais souhaité qu’elle aille plus loin du côté des femmes.
Si jamais, j’en parlais là : https://marquetapage.com/2017/08/idaho-andria-williams/
Je ne sais pas du tout si l’auteur a écrit autre chose par la suite… je ne l’ai vraiment pas suivie.
On se rejoint du coup 😉