Les Incurables de Jon Bassoff

les incurablesLe docteur Freeman a trouvé comment lutter contre la violence du monde : il lobotomise ses violents patients qui deviennent doux comme des agneaux. Des légumes, lui rétorquent ses confrères psychiatres qui décident de se débarrasser de lui en le remerciant de ses bons et loyaux services. Mais le docteur Freeman ne l’entend pas ainsi : il part en emmenant un patient, Edgar, assassin récidiviste « guéri » par ses soins.

C’est que le docteur Freeman n’est pas un boucher, non, il a même fait progresser la science et la santé de tous ces pauvres fous qu’on trépanait jadis sans scrupules. Lui pratique la lobotomie transorbitale : un pic à glace à introduire sous la paupière, quelques coups de marteau bien placés et le malade est débarrassé de ses pulsions violentes…

Freeman se fait l’apôtre de sa propre science, arpentant les routes et foires des fins fonds de l’Amérique des années 50. Il n’est pas le seul à y prêcher la bonne parole. Il rencontre un homme qui pense que son fils est le Messie, sur le point d’accomplir un miracle. Oh pas grand-chose, juste ressusciter un mort… Le jeune garçon porte déjà la tunique et la couronne d’épine, le reste est pour bientôt. Déboussolé et impuissant, Durango suit son père qui est tout ce qu’il a au monde. Il rencontre un jour Scent, jeune prostituée meurtrière qui cherche à extorquer à sa mère l’emplacement d’un hypothétique magot qui la sortirait de la misère. Mais cette vieille folle attend depuis dix-sept ans le retour de son mari : toujours parée de sa vieille robe de mariée, elle tient secret l’emplacement du trésor mal acquis pour le jour où il reviendra. Pour survivre, Scent doit se prostituer.

La jeune génération, celle de Durango et Scent, incarne les rêves déchus de leurs parents : ils ont cru jusqu’à la folie en l’amour ou en Dieu et se sont fracassés contre le quotidien sordide et la réalité du monde. De leurs espoirs il ne reste plus que des discours et des délires, et des enfants qui paient les pots cassés. Beau cheptel pour Freeman qui lobotomise à tour de bras sanglants, toujours plus sanglants.

Le rouge domine donc ce roman noir tragique en bien des points mais non dénué d’humour à mes yeux. Car la folie tourne au grotesque, chacun semblant se précipiter vers le pic à glace dans une perspective littéraire s’inspirant du meilleur gore cinématographique. Le tragique tourne à la farce et le lecteur n’a personne à plaindre ni à pleurer car aucun de ces dingues n’est racheté. Ah, enfin un roman américain sans rédemption à la clef ! Bassoff jette tout avec l’eau du bain : l’amour, la religion, la science… car rien ne nous sauvera tant que la cupidité et l’envie guideront le monde.

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Les Incurables

Jon Bassoff traduit de l’anglais par Anatole Pons
Gallmeister, 2018
ISBN 978-2-35178-148-7 – 240 pages – 21,80 €

The Incurables, parution aux États-Unis : 2015

6 commentaires sur “Les Incurables de Jon Bassoff

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