La vague de Dennis Gansel

La vague de Dennis GanselComment sensibiliser des lycéens au thème de la dictature ? Et pas n’importe quels lycéens, des jeunes Allemands qui en ont marre du sentiment de culpabilité de leur peuple : ils n’étaient pas nés à l’époque, qu’on leur fiche la paix avec ça. D’ailleurs selon eux, il est impossible de voir émerger une nouvelle dictature dans le pays, les Allemands ont été assez prévenus.
Leur prof, Rainer Wenger (Jürgen Vogel), n’est pas très en phase non plus avec l’autocratie, lui c’est plutôt l’anarchie, d’ailleurs, il ne fait aucun doute qu’il est un prof différent des autres, que les élèves tutoient et appellent par son prénom. Plutôt que de les plonger dans la théorie et les livres, il choisit donc la carte du vécu. Fini donc Rainer, désormais ça sera Herr Wenger et on lui demande la parole avant de se lever pour parler, chacun son tour. Bientôt, ils se choisissent un nom, La Vague, un uniforme, chemise blanche pour tout le monde, un emblème et un salut. Ce que le professeur ignore, c’est que l’expérience se poursuit à l’extérieur : les membres de La Vague se retrouvent entre eux, excluent ceux qui ne portent pas la chemise blanche, taguent leur emblème partout en ville. Petit à petit, la solidarité qui les lie et dont ils sont si fiers transforme les autres en marginaux, voire pire. Quand Rainer Wenger se rend compte des proportions dangereuses qu’a pris son expérience, il est trop tard : La Vague est devenue incontrôlable et la violence s’en mêle.

Un film très dur et d’autant plus percutant qu’il est inspiré de faits réels qui ont eu lieu aux Etats-Unis. Bien sûr, replacés en Allemagne, ils prennent une dimension encore plus symbolique. Il est clair au départ que ces jeunes lycéens bien sympathiques n’ont rien de néo-nazis : cette expérience est pour eux l’occasion de valoriser l’esprit de communauté, la solidarité et l’identité. Mais La Vague prend le pas sur les individus qui peuvent ainsi affirmer leur puissance par voie de violence et de discrimination. La plupart de ces jeunes gens sont bien trop désoeuvrés pour réagir et prompts à se trouver un gourou charismatique. Ils sont fragiles et manipulables et rien de ce qu’ils ont appris ne leur est utile. La seule qui s’oppose à cet embrigadement, en pressent les dangers, est rejetée par ceux qu’elle pensait être ses amis.

Aucun doute, le film est démonstratif. Se déroulant sur une semaine, les événements vont trop vite pour être tout à fait crédibles : le réalisateur aurait gagné  à faire durer son intrigue sur au moins un mois et ainsi évité quelques raccourcis assez caricaturaux. Mais le film n’en reste pas moins très fort, Dennis Gansel choisissant la carte de l’extrême pessimisme avec une fin beaucoup plus tragique que celle du roman de Todd Strasser dont il est tiré.

J’ai vu ce film dans le cadre de la vingtième édition du film allemand de ma ville. La même semaine, j’ai pu également apprécier Berlin, symphonie d’une grande ville de Walther Ruttmann (1927) et Le cabinet du docteur Caligari de Robert Wiene (1919), tous deux muets et mis en musique dans la salle. Vive le Prokino !

.

La vague de Dennis Gansel
Avec : Jürgen Vogel, Frederick Lau, Max Rielmelt…
Sortie nationale : 4 mars 2009 – durée : 1h 48