Ben Ross, professeur d’histoire très apprécié de ses élèves pour sa proximité avec eux et ses méthodes originales, se trouve désemparé face aux questions qu’ils lui posent après avoir vu un documentaire sur la Shoah. Comment les Allemands ont-ils pu laisser faire ça ? Pourquoi personne ne s’est élevé contre la barbarie nazie ? Pour leur faire comprendre ce qu’est l’emprise d’un groupe sur les individus et les mécanismes du totalitarisme, il décide d’une expérience réelle qui doit leur tenir lieu de démonstration.
Ben Ross commence par instaurer une stricte discipline dans sa classe : les élèves devront désormais se tenir bien droit et se lever pour répondre le plus brièvement possible en commençant leurs phrases par « Mr Ross ». A son propre étonnement, ils obéissent. Ils obéissent encore quand il leur propose d’adopter un salut, ne s’étonnent pas quand il troque la tenue décontractée qui est la sienne contre un costume. Il baptise son mouvement La Vague et lui donne un salut. Puis une carte de membre et des règles strictes.
Les lycéens de Palo Alto en Californie se prennent au jeu, ils enrôlent même bientôt les élèves d’autres classes et appliquent ces règles disciplinaires si efficaces à l’équipe de foot qui souffre d’un manque de cohésion. Robert Billings, jusque là le souffre-douleur de la classe, acquiert autonomie et reconnaissance grâce au mouvement qui rend désormais tous les élèves égaux. Laurie Saunders, rédactrice en chef du journal du lycée, est bientôt beaucoup plus critique. Elle a le sentiment que les élèves en acceptent trop et qu’ils renoncent même à tout esprit critique : ils n’ont plus besoin de réfléchir puisque leur leader leur dit quoi faire et comment.
Le roman de Todd Strasser paru dans les années quatre-vingt aux États-Unis est inspiré de faits réels et a lui-même été adapté au cinéma en 2008 par Dennis Gansel. Le réalisateur a transposé les faits dans l’Allemagne contemporaine, mais la démonstration de Strasser est tout aussi efficace. La Vague décrit les mécanismes de l’enrôlement, la force de persuasion du groupe et l’effacement progressif de la volonté individuelle. Les élèves les plus faibles trouvent de la stabilité dans l’uniformisation qui fait disparaitre les différences et seuls les mieux armés en comprennent les dangers. Pas étonnant que Laurie Saunders, journaliste comme Todd Strasser, soit à la tête de la résistance. Les journalistes sont ce quatrième pouvoir qui permet aux autres de prendre conscience des abus et manipulations.
La Vague est une démonstration efficace des effets possiblement pervers d’un groupe. Si dans un premier temps, cohésion et discipline donnent aux élèves assurance et esprit d’équipe, ils se complaisent bientôt dans un prêt-à-penser confortable qui les rassure, les plus forts prenant de l’ascendant sur les autres. Tous renoncent à leur propre personnalité : ils obéissent et font comme les autres au profit d’un mouvement qui leur permet de ne plus être personnellement responsables.
A la fin du roman, les élèves ont les réponses à leurs questions initiales et le lecteur avec eux se persuade que la gangrène fasciste est toujours là, prête à dévorer le corps social à la faveur d’un leader charismatique.
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La Vague
Todd Strasser traduit de l’anglais par Aude Carlier
Jean-Claude Gawsewitch, 2008
ISBN : 978-2-35013-155-9 – 221 pages – 16,90 €
The Wave, parution aux États-Unis : 1981
Très intéressant… Cette lecture t’a été inspirée par ton expérience actuelle ?
Je rentabilise en effet 😉 La prof que je remplace a donné ce livre à lire à ses élèves avant d’être absente. De fait, c’est un livre qui les intéresse et sur lequel ils réagissent d’eux-mêmes (pas comme Montesquieu ou La Bruyère par exemple…).
je suis totalement d’accord. Ayant dû le lire pour mon cours de français je l’ai trouvé très intéressant par le fait qu’il nous montre simplement la vérité sur ce qui c’est passé. On est plongés dans le livre et on comprend tout ! On suit Hitler de sa montée au pouvoir jusqu’à sa chute.
Ce que j ai trouvé encore plus impressionnant c’est que je me suis moi aussi laissé entraîner dans les rouages de « La Vague » en voulant tout au long de l’histoire que ce mouvement aille plus loin. Je comprends que cela fasse réagir !
Cela fait bien plaisir de te lire.. !
Concernant La vague, je n’avais pas accroché du tout, malgré le thème passionnant. Je ne lui avait pas trouvé de qualité littéraire, et j’ai regretté que l’auteur traite son sujet trop superficiellement.
Peu de qualités littéraires en effet, c’est plus un livre démonstratif, qui montre une expérience. Et de ce point de vue, je l’ai trouvé efficace.
Si ça a plu à tes élève, c’est bien, s’ils ont réfléchi, tant mieux. Mais je suppose que tu devras leur proposer du plus anciens comme texte? (Emma, reviens! Bon courage)
Cela me fait un peu penser à des passages dans un bouquin de Pierre Bayard, aurais-je été résistant ou bourreau où il parle de la fameuse expérience avec l’électricité, et de trucs incroyables pendant la seconde guerre mondiale, bon j’espère qu’à ce moment tu seras plus disponible pour te laisser tenter
Oui, l’expérience de Milgram ! Aux mêmes élèves j’ai montré un reportage sur cette expérience qui les a aussi intéressés. J’ai raccroché La Vague que la prof leur avait fait acheter, à un des thèmes obligatoires pour les 1ere : la question de l’Homme dans les genres de l’argumentation, et choisi une problématique autour de la liberté individuelle. Alors oui, il leur faut bien sûr étudier des auteurs plus anciens, il y aura La Boétie, La Fontaine et Zola, mais aussi « Le Déserteur » qui est vraiment un texte formidable et qui peut leur parler, je pense…
Une manipulation de masse qui fait peur et fait réfléchir. Un excellent livre pour le message qu’il transmet.
Pour avoir encore plus peur avec ce genre de manipulation, je te conseille de regarder sur Youtube le documentaire intitulé « Le Jeu de la mort – le documentaire » : ça fait terriblement frémir…
Je prends note et vais aller visionner tout ça.
Merci
j’avais été marquée par cette lecture, j’envisageais de l’étudier avec des 3è … chose que je n’ai finalement pas faite (pas encore…)
J’ai vu le film, je ne savais pas qu’il était tiré d’un roman d’ailleurs. Il m’a fait froid dans le dos. Il est saisissant et mémorable. Tiens, ça me donne envie de le revoir. J’aurais adoré l’étudier au Lycée !
Je n’ai pas lu le livre mais j’ai vu le film avec mes enfants, ce qui permet d’en parler ensuite. Et il me semble important que les plus jeunes puissent se rendre compte qu’on peut vite tomber dans ce genre de phénomène si l’on a pas d’esprit critique.
De l’esprit critique, ils en ont, parfois trop même ! Après, il faut que ce soit utilisé à bon escient 😉
J’avais d’abord vu le film et j’ai été très déçue par le livre par la suite ! Sans qualités littéraires effectivement, et beaucoup moins concluant que le film, mais je comprends qu’il accroche les ados. Fiston et fifille ont bien aimé. Bon courage pour faire passer les classiques !
Je vais en rester à Rhinocéros sur le sujet… Je ne vais pas lire une démonstration écrite d’avance alors que je lis pour mon plaisir ! Bon courage pour tes nouvelles aventures.
Figure-toi que j’étudie Rhinocéros avec mon autre classe de 1ere…
Même s’il n’a jamais été un fasciste convaincu, et encore moins un antisémite (bien sûr !), comme Mircea Eliade et Cioran, Ionesco a néanmoins aidé ses deux collègues à dissimuler leur collaboration avec la Roumanie fasciste et génocidaire de 1940-1945, alliée fidèle des nazis. Pourquoi ? Sans doute que son poste à Vichy, et ses compromissions politiques, rendait Ionesco peu à l’aise sur cette période. D’où l’incroyable ironie de l’histoire littéraire qui fait aujourd’hui de Ionesco et de son brillant « Rhinocéros » un modèle de dénonciation des dictatures, en général; et du fascisme en particulier.
Pour en savoir plus sur le passé de Ionesco et des deux écrivains fascistes :
http://wodka.over-blog.com/article-a-laignel-lavastine-cioran-eliade-ionesco-l-oubli-du-fascisme-83857534.html
Il y a du monstre en chacun de nous… Le nazisme n’est jamais bien loin. Oui, je me souviens de cette expoérience avec les impuslions électriques, cela fait froid dans le dos
Une lecture qui m’avait paru essentielle.
Je n’ai pas lu le lire mais j’avais été touchée par le film.
j’ai vu le film et je l’avais trouvé convaincant. C’est bien que des élèves réfléchissent sur de tels sujets
C’est vrai que c’est pas mal à étudier avec des adolescents, mais j’avais trouvé ce livre assez quelconque. Connaissant la trame et ayant lu d’autres livres ou articles sur le même sujet, j’ai trouvé qu’il manquait de force.
Je n’ai pas lu le livre mais le film m’avait profondément marquée.
Je n’ai pas lu le livre, mais j’ai vu le film et sans être extraordinaire, j’avais apprécié…
Il est énormément demandé comme lecture scolaire à la bibliothèque. J’ai beaucoup lu/vu sur ce sujet mais il sans cesse intéressant d’y réfléchir et de se remettre en question.