Le précédent roman de Cécile Coulon paru en 2010 chez Viviane Hamy, Méfiez-vous des enfants sages, laissait présager du meilleur. La revoilà chez la même éditrice, avec un titre tout aussi mystérieux, qui incite en lui-même à la lecture. Retour aux États-Unis, retour auprès de petites gens qui passent à côté de leurs rêves.
Thomas Hogan, un grand type taciturne et mutique, violent peut-être, auquel on passe les menottes dès les premières lignes, est le centre de ce roman : tout au long de ces quelques pages intenses, Cécile Coulon retrace l’histoire de ce Thomas, à peine quelqu’un, tout juste le fils de… Né du mariage de William et Mary, il grandit dans une honnête médiocrité, pas beaucoup d’amour mais pas de violences non plus, rien qui pourrait justifier le désespoir qu’il traine, une sorte d’incapacité d’être au monde. Les rares amitiés de Thomas ne durent pas, ses amours ne se concrétisent pas. Son père le trouvait trop chétif, pas armé pour la vie, mais l’était-il lui qui s’est laissé déchirer la main, puis emporter par la maladie ? Les Hogan sont-ils faits pour la vie ?
Sans aucun doute, on peut parler d’un style et d’une ambiance propres à Cécile Coulon. Au-delà de personnages de perdants, on retrouve ici le plaisir de la description méticuleuse qui côtoie cependant une certaine imprécision du cadre. Il suffit de quelques noms de villes, de quelques patronymes pour être aux États-Unis, sans trop que l’on sache cependant à quelle époque. Peut-être les années 30 ou 40 (Steinbeck est cité en exergue), cependant la Seconde Guerre mondiale n’effleure ni le père, ni le fils… A ce cadre spatio-temporel très rapidement esquissé s’opposent des personnages caractérisés par de petits détails souvent infimes, parfois drôles.
Le type avait franchi la porte d’un pas chancelant. Il s’était dirigé vers le comptoir, où deux vieilles cocottes comptaient les dents qu’il leur restait. L’homme avait commandé un double sec sans lever les yeux, et tandis qu’il vidait son verre d’une traite, Thomas le reconnut. Ses traits étaient plus grossiers, ses cheveux avaient poussé et se teintaient de gris au-dessus des oreilles. Sous son uniforme, une petite bedaine retombait sur sa braguette telles les babines d’un bouledogue à la retraite.
Ce roman est court et pourtant, l’auteur installe une ambiance dense, où le fils prolonge inexorablement le destin du père. L’image des petites fiches vertes que trie le père et sur lesquelles sont consignées les morts les plus terribles du voisinage est très forte : il ne peut s’empêcher de les lire, de coltiner ainsi à la douleur du monde, comme un fardeau intime et inévitable. C’est logiquement le nom du fils qui viendra s’y inscrire. Y avait-il pour Thomas une autre voie que celle de William ? Fondu dans l’espace et dans l’histoire familiale, y avait-il un ailleurs possible ?
Très sobrement pour ce qui est des émotions mais grâce à un vocabulaire riche et des images qui font sens, Cécile Coulon raconte une triste histoire familiale. Moi qui aime les pavés à l’américaine, j’aurais bien lu quelques pages de plus sur Mary, la mère de Thomas, sur le docteur O’Brien. Ces personnages croisés appellent un destin, une trajectoire que j’aurais aimé connaître. Espérons que le prochain roman de cette jeune auteur sera plus épais tout en restant aussi maîtrisé.
Cécile Coulon sur Tête de lecture
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Le roi n’a pas sommeil
Cécile Coulon
Viviane Hamy, 2012
ISBN : 978-2-87858-509-4 – 141 pages – 17 €
hum ! hum ….j’ai un peu peur de ses personnages un peu vides et méchants à la fois. Depuis le livre de Gary Steyngart je me méfie des livres qui m’entrainent vers la tristesse*
Luocine
Ici les personnages ne sont pas vides, si je le laisse penser par mon billet alors je l’ai raté. Ils ne sont pas méchants non plus, juste humains.
Au premier regard la couverture m’a évoqué Colombo hélant le suspect sur le gril ,avec son p’tit neveu comme soutien;puis une observation plus soutenue a réorienté ma vision et transmis le message…j’ai lu ce livre qui m’a pris par la main du debut à la fin .Cecile ; ne pas l’aimer….difficile
C’est vrai que la couverture mérite qu’on la regarde à deux fois… je n’avais tout de même pas pensé à Columbo…
Je trouve que ces couvertures Viviame Hamy ne donnent pas envie. Je note cette romancière, si je la trouve en bibliothèque.
J’ai failli ajouter une petite ligne sur la couverture que je trouve justement belle et mystérieuse…
Son précédent titre ne m’avait pas convaincue…
Ici l’histoire est plus suivie, plus linéaire et brasse beaucoup d’émotions.
Je l’avais déjà repéré mais cette chronique me donne envie de franchir le pas. Je le note. Merci
On ne parle pas beaucoup de cette auteur sur les blogs, c’est dommage. J’espère que ce billet donnera à certains le goût de la découvrir.
J’en ai entendu parler dans l’émission « la dispute » sur France Culture. Un coup de coeur unanime des chroniqueurs qui m’a fait noter le titre. Tu confirmes !
On écoute la même émission, très prescriptive en ce qui me concerne !
Encore un livre a noter dans mon petit carnet !
Petit carnet deviendra grand 😉
Comme Sylire, j’en avais entendu le plus grand bien dans La dispute et j’attendais un avis « de confiance » ! Je note…
si le style est particulier, je note au moins le nom de l’auteur.
Je ne doute pas que ce sera une belle découverte.
Recommandé par mes libraires, donc aussitôt emporté ! A lire et à découvrir car je n’avais pas entendu parler de cette jeune femme…
Pour tout te dire, c’est une libraire qui m’a prêté ce livre. Je crois qu’elle les a conquis et que grâce à eux, le bouche à oreille va fonctionner au mieux pour la faire découvrir.
Bonjour Ys
Je t’ai taguée …….
http://leblogdemimipinson.blogspot.com/2012/02/le-tag-des-11-choses.html
Désolée, je ne suis pas fan de ces jeux-là…
Je suis contente de lire un billet à propos de ce livre chez toi. Concernant le côté « vague » du cadre spatial, la jeune écrivaine a donné une explication dans l’émission de ton animateur préféré… (La grande librairie). Elle dit se sentir « trop jeune » n’avoir pas assez de distance avec la France et/ou sa région pour pouvoir écrire un livre fortement ancré dans un lieu. J’ai bien aimé son intervention (mais surtout celle de Charles Juliet, un grand monsieur…).
Eh bien donc, c’est qu’il laisse parfois à ses invités le temps de s’exprimer on dirait, il s’améliore 🙂
J’ai beaucoup aimé aussi;
Je te conseille donc de lire son précédent roman.
Une romancière dont on entend de plus en plus parler. je vais peut-être finir par me laisser tenter!
C’est tant mieux, elle a un long chemin devant elle, je le lui souhaite bien rempli.
Cela fait plusieurs fois que je la croise sur les blogs et c’est un nom que je retiens.
On n’a pas fini d’en entre parler, je crois.
Une maison d’édition exigeante, c’est pourquoi je me réserve la lecture de leur roman pendant les vacances.
J’espère que c’est bientôt 😉
Voilà une auteur toute fraiche que j’aimerais bien découvrir… Du style, un livre court (donc ma PAL ne m’en voudras pas) beaucoup pour me tenter…
On n’a pas fini d’entendre parler d’elle, je le crois.
Un très bon roman, qui va faire l’objet d’un billet sur Biblioblog demain et qui vient d’être sélectionné par le prix du livre Inter. Je vais rencontrer l’auteure la semaine prochaine, cela promet d’être intéressant…
J’espère que la sélection pour le prix du livre Inter lui vaudra encore plus de lecteurs.
Je crois bien que je vais continuer ma découverte de cet auteur avec son premier roman … Quel style ! Chapeau !
Bonjour Ys, ton billet est très juste, je suis juste un peu moins indulgente que toi, mais j’ai adoré le style et l’écriture, qui font que je relirai cette jeune auteure, c’est certain!