Les années sans soleil de Vincent Message

Elias Torres est écrivain, de ces écrivains étrangers des fortes ventes qui doivent trouver un « vrai travail » pour vivre. Il est donc aussi libraire, ce qui n’est pas si mal il en a bien conscience et lui permet de vivre en compagnie des livres. Quand on le découvre à l’aéroport de New York, il caresse la douce idée d’être enfin célèbre puisque son dernier roman vient d’être traduit en américain et il s’apprête à rencontrer son éditeur et sa traductrice d’outre Atlantique.

Mais voilà, Elias comme tout le reste de l’humanité voit ses projets contrariés. Pas de sol américain retour en France, à Toulouse précisément, pour un enfermement de plusieurs semaines avec femme et enfants. Il est le père d’une jeune fille de dix-sept ans, Maud, et d’un petit garçon de trois ans, Diego.

Comme vous, je n’ai pas envie de lire de romans sur le confinement. Le vivre m’a suffit. Cependant, Les années sans soleil n’est pas qu’un livre sur le confinement qui sert de toile de fond, de révélateur. Elias Torres semble vivre la période plutôt bien. C’est du côté de Maud que les choses se passent mal. L’adolescente devient de plus en plus radicale dans ses propos engagés. Elle estime ses parents apathiques alors que la période est à l’engagement. Le ton monte parfois et à l’évidence :

L’appartement n’était pas assez grand pour y discuter en famille de l’effondrement de notre civilisation

Elias s’intéresse plutôt aux civilisations disparues et aux époques reculées. Notamment aux années 535-536 qui seraient selon certains les pires années de l’humanité. Sachez qu’alors,

il s’est produit un phénomène que les humains de l’époque n’ont pas su s’expliquer. un brouillard a obscurci le ciel et masqué le soleil pendant un an et demi.

C’est le pire refroidissement climatique de notre ère géologique. Plus de fruits ni de légumes, tempêtes, neige au mois d’août, peste autour de la Méditerranée

Le confinement à côté, c’est de la blague. Mettant cependant les deux époques en parallèle, Elias Torrès imagine un roman sur le sujet, un roman catastrophe puisque ces deux années sans soleil ont eu des conséquences dramatiques sur tous les continents.

Je suis, et resterai je pense, admirative de Défaite des maîtres et possesseurs, roman romanesque, intelligent, formidable, original… et tout le reste. Alors j’attends beaucoup de son auteur et il faut bien dire qu’ici, le dispositif narratif n’est pas aussi efficace. Vincent Message ne mentionne ni confinement ni covid, et alors ? On sait tous de quoi il s’agit donc on ne peut se détacher du contexte.

On suit le quotidien peu passionnant de Torres, ses difficultés conjugales et professionnelles, l’émancipation de sa fille. Elle bouillonne tandis qu’il se ratatine, il s’en veut car elle a raison la petite, bien sûr.

Tout ça est bien convenu, jusqu’à la fin sans grande surprise voire même agaçante quand elle manie des poncifs (c’est pô facile la vie à la campagne pour un urbain, il fait froid l’hiver et les ravageurs bouffent tout le potager (je caricature parce que ça m’énerve)). Bref, une intrigue décevante pour un sujet dont je n’attendais pas grand-chose en vérité, si ce n’est un exploit à la hauteur de Défaite des maîtres et possesseurs…

Par contre, quelques fulgurances traversent le roman grâce à la belle écriture de Vincent Message. Le portrait de son ami poète Igor Mumsen, la description des ravages des années sans soleil, l’amitié homme-oiseau.

Vincent Message sur Tête de lecture

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Les années sans soleil

Vincent Message
Gallimard, 2022
ISBN : 978-2-02-149555-3 – 254 pages – 19 €