Il vous est certainement arrivé de choisir des livres de manière pulsionnelle, pour une couverture, un auteur, voire même une maison d’édition. Sur la foi d’une chronique aussi, qui fait en quelques mots d’un roman jusqu’alors inconnu le nouveau Shutter Island… ou Autant en emporte le vent… ou La Route… c’est selon.
Alors lisez un peu ça : « Pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ? La Mort au crépuscule, de William Gay, est un roman magnifique. Qui convoque ces romanciers de la terre et des noirceurs de l’âme que sont Faulkner, McCarthy et Thompson, pas moins, tout en gardant, jusqu’au bout de ses 300 pages, une voix singulière. Dure, poétique, embrassant dans un même élan l’épopée et l’intime, la mort et la survie, l’appel des montagnes et les pulsions meurtrières. De mémoire d’amateur de polar, lire un texte d’une telle force n’était pas arrivé depuis au moins deux siècles« . Ça donne envie, non ? Si vous voulez lire la suite, du même tonneau, c’est ici.
Vous vous doutez qu’avec un début pareil, je ne vais pas être d’accord avec cet avis. Entendu, je n’ai pas deux siècles d’expérience de lecture derrière moi, mais quand même, j’ai un peu lu, et rarement des livres qui commencent aussi bien et finissent par sombrer dans un ennui aussi abyssal.
Corrie et Kenneth Tyler déterrent de nuit des corps dans un cimetière parce qu’ils soupçonnent le croque-mort local, Breece Fenton, de ne pas faire son boulot correctement. Ce qu’ils découvrent est même pire : Fenton est un pervers qui enterrent les morts dans des postures sexuelles grotesques. Les deux jeunes gens lui volent des photos très compromettantes et décident de le faire chanter. Mais Fenton ne se laisse pas faire, il engage un type du coin pour récupérer les photos, un psychopathe assez intelligent pour avoir échappé plusieurs fois à la justice nommée Granville Sutter.
Les cent cinquante premières pages, lues d’un trait, sont parfaites : les personnages sont très bien présentés, leur passé, la vie quotidienne dans ce trou pourri des États-Unis, l’alcool, la peur, la loi du plus fort ; le lecteur est scotché par une ambiance bien lourde chargée d’atavisme, de folie et de violence.
Puis, commence alors une course poursuite entre Tyler qui doit traverser la forêt du Harrikin et Sutter qui va le rattraper et le tuer. Tyler, c’est le Petit Chaperon rouge avec sa galette et son pot de beurre, Sutter, c’est le Grand Méchand Loup. Cette histoire-là entre les mains de Stephen King : je ne dormais pas de la nuit. Mais là, je me suis ennuyée au bout de quelques pages de poursuite, ne trouvant pas la tension qui aurait dû s’installer entre les deux personnages. On n’a même pas peur pour Tyler qui prend tout son temps, et la forêt maléfique annoncée en quatrième de couverture n’a vraiment rien d’angoissant.
Je suis allée jusqu’au bout de ce livre parce qu’il ne compte que trois cents pages mais les dernières ont été plus parcourues que lues. Je suis très déçue mais je comprend mieux pourquoi tant de prestigieuses références sont convoquées en quatrième de couverture : La nuit du chasseur de David Grubb, Hänsel et Gretel des frères Grimm, Non, ce pays n’est pas pour le vieil homme de McCarthy, Délivrance de James Dickey, Faulkner… Il semble qu’il faut au moins ça aujourd’hui pour faire vendre un roman noir se déroulant dans l’Amérique profonde, écrit pas un auteur inconnu de notre côté de l’Atlantique. On pourrait établir une loi inversement proportionnelle pour estimer la probable qualité d’un livre avant de s’y plonger…
La mort au crépuscule
William Gay traduit de l’américain par Jean-Paul Gratias
Le Masque, 2010
ISBN : 978-2-7024-3425-3 – 309 pages – 19,50 €
Twilight, parution aux Etats-Unis : 2006
Dommage… C’est toujours très décevant quand ça commence comme sur des chapeaux de roue et que ça ne tient pas la route
Oui, d’autant plus que ça commence vraiment très bien, la vie dans ce bled avec son croque-morts pervers, chaude ambiance !
Trop de belles références tuent très vite, par comparaison justement!
C’est exactement ce que je pense, je les cherche encore tous ces auteurs dans ce texte. C’est pas parce que c’est le Sud tragique, limite arriéré et un style plutôt minimal que c’est du Faulkner…
Dommage, la couverture était très tentante… et la quatrième aussi !
La couverture est en effet superbe.
Je suis contente de n’avoir pas cédé aux sirènes, les rapprochements avec Faulkner m’ont mis sur le mode alarme, la lecture de quelques pages ne m’ayant paa donné envie de poursuivre j’ai reposé le bouquin, mais je me ferai avoir une prochaine fois à n’en pas douter
On devrait être aguerries pourtant avec tout ce qu’on lit, mais on retombe quand même dans le panneau publicitaire…
Lu un texte dithyrambique (dans Télérama? )mais l’atmosphère glauque ne me tente pas plus que ça et ce que tu en dis confirme mon impression.
Et moi j’ai cédé, à cause de l’atmosphère glauque justement, j’aime bien cette ambiance de bled paumé avec des gens dégénérés ou pervers, ça crée tout de suite un climat bien pesant qui me plait bien… ça laisse supposer des rapports humains un brin… compliqués !
Les auteurs mis en référence ne me tentent déjà pas trop, donc ce bouquin non plus. Ce qui tu en dis termine de m’en détourner complètement.
Tu es en effet à l’abri de la tentation !
Ce genre de références dithyrambiques me rend aussi très méfiante 😉
J’ai donc encore à apprendre 😉
Ah oui, bah non alors ! Tant de bons polars en attente…
Bonjour Ys, merci pour ce non-conseil. Bon samedi.
Ah une déception… dommage ! Je le laisse donc de côté !
Ce livre ne me tentais pas trop, alors après ton billet, plus du tout.
J’espère te proposer mieux bientôt !
Bon, comme quoi, il faut se méfier des critiques professionnelles… Je ne note pas, bien sur.
Pas toujours… il faut surtout apprendre à maitriser ses impulsions 🙂
Oh, dommage! Moi qui aime l’aspect glauque…
Ça l’est remarque, c’est juste dommage que la deuxième partie ne soit pas aussi palpitante que prévue…
Me voilà rassurée : ça n’arrive pas qu’à moi… 😦 J’ai eu le même genre de déconvenue avec Imago, mais dès les premiers chapitres, malheureusement! Je te souhaite meilleure pioche pour la prochaine fois!
Je me souviens de ton billet sur Imago : j’ai acheté ce livre pour ma bib mais je n’ai pas encore eu de retour des lecteurs.
Ah dommage… ça promettait…
Oui, c’est exactement ça…
Je vais éviter l’ennui abyssal et passer mon chemin!
J’aurai bientôt d’autres bons polars à te conseiller !
Le titre original est vraiment « twilight » ?? Bref, je ne lirai pas ce polar dont ton avis concorde avec ceux que j’ai entendu et lu à droite et à gauche !
Comme toi, j’y ai regardé à deux fois, mais c’est bien écrit « Twilight » !!!
Je passe sur celui-là après tous les commentaires négatifs lus ici ou ailleurs. C’est ma PAL et ma carte bleue qui vont être contentes (parce que tout de suite, j’en ai quand même beaucoup…)
Pour ma part j’ai plutôt lu et entendu de bonnes choses à propos de ce livre, que je ne m’explique pas…
J’ai acheté ce polar et l’ai lu aux 2/3 avant d’avoir découvert votre critique. Mon avis personnel est que, d’emblée, j’ai trouvé le style de l’auteur vraiment très bizarre, peu naturel. Je m’explique : à de très nombreuses reprises, je ne savais pas s’il décrivais un rêve ou la réalité. La façon dont il écrivait donnait l’impression d’être dans un gros délire à peine voilé.
Et puis autre chose : cette horrible façon d’accumuler les « et » dans une même phrase que je n’ai jamais vu nulle part ailleurs. Exemple imaginé: « Le garçon avança et il se retrouva très embêté et cela lui fit peur plus que tout et il en vint à pleurer et puis merde. » J’en ai souvent compté plus de 4-5 dans une même phrase ! Je ne pense pas que ça soit la traduction qui soit mauvaise.
Bref, le style et nébuleux, assez lourd à suivre. L’histoire ressemble à un jeu de piste à la noix. Je n’y ai pas cru un instant. Décevant. D’autant plus que je l’ai acheté parce que sa couverture et son chapeau m’ont attirés, et parce qu’il était dans le rayon « meilleures ventes » de la Fnac…
Voilà ce que c’est que de céder au marketing 🙂 Non vraiment, ce livre est décevant, j’avais lu deux trois choses avant dessus, c’est parait-il un grand auteur américain qu’il nous est enfin permis de lire… mouais, je pense que j’aurais pu m’en passer…