
Blanche de Rigny. Voilà un nom qui sent l’histoire, l’aristocratie et les bonnes manières. Il y a de l’ancêtre de choix dans ce nom-là. Curieusement, la narratrice de Richesse oblige ne s’est jamais préoccupée de sa probable illustre ascendance, son père lui suffit. Ce qui reste des siens et de leur histoire tient sur une île de la mer d’Iroise, on va dire l’île d’Ouessant. Elle a grandi sur ce caillou qu’elle a quitté pour Paris.
Blanche est un personnage atypique, le lecteur s’en rend compte d’emblée grâce à la verdeur de son vocabulaire et à son franc-parler. Elle est par ailleurs handicapée, munie de prothèse, titulaire d’un doctorat en lettres et mère d’une fillette de dix ans, Juliette. Elle gagne difficilement sa vie au service reprographie de la police judiciaire. Alors pour arrondir ses fins de mois, il lui arrive de faire du business avec les infos glanées sur son lieu de travail : interrogatoires, PV de perquisitions, écoutes téléphoniques, expertises ADN, rapports d’autopsie…
Elle va pourtant partir un jour à la recherche de ses ancêtres, plus particulièrement du père de son grand-père, Renan de Rigny. Il est le fils de Corentine Malgorn, bonne bretonne, et d’Auguste de Rigny : qu’y est-il, d’où vient-il, qu’est-il venu faire sur l’île à la fin du XIXe siècle ?
Le lecteur le sait avant Blanche car le roman suit en parallèle l’histoire d’Auguste de Rigny sous le Second Empire, autrement appelé la dictature de Napoléon III. En 1870 à Paris, le jeune homme tire le mauvais numéro : il est bon pour neuf ans de service militaire. Et vu l’agitation du côté de la Prusse, ça ne sera pas neuf années de plaisir ! Il faut donc absolument que Casimir de Rigny, père d’Auguste, trouve un remplaçant pour son fils, autant dire un pauvre à acheter. Mais en cette période agitée, ces salauds de pauvres se font payer de plus en plus cher, quand on en trouve encore. Ce n’est qu’en Bretagne insulaire qu’on trouve quelques rares gars prêts à se faire hacher menu pour quelques dizaines de milliers de francs.
La partie consacrée au XIXe siècle est très fouillée et tient du roman historique. La famille et ses travers sont bien observés, tout ce qui a trait au service militaire et à la Commune est très intéressant. C’est la partie contemporaine qui fonctionne moins. J’ai adhéré à la gouaille et à l’humour noir de Blanche de Rigny, mais le scénario est peu crédible. Certes, le personnage est excessif, mais certains rebondissements sont beaucoup trop expéditifs pour former un scénario cohérent. Les de Rigny (tous des pourris) meurent bien trop vite, ça n’a pas de sens.
Bien sûr, on ne peut que prendre le parti de Blanche, pourfendeuse des injustices qui dénonce les travers des riches, les manigances des financiers et les entourloupes des puissants. La rage de Blanche est compréhensible, on la partage. Elle ne reste cependant qu’un personnage (atypique, tant mieux) car l’incarnation passe aussi par un minimum de vraisemblance dans l’enchaînement des événements racontés, même fictifs. Cette maladresse ne m’a pas empêché d’apprécier ma lecture en raison de la maîtrise historique et de l’humour. A bientôt donc maître Cayre !
Richesse oblige
Hannelore Cayre
Métailié, 2020
ISBN : 979-10-226-1021-6 – 224 pages – 18 €
J’ai préféré La daronne, mais ce Noblesse oblige se lit aussi (comme toi j’ai moins aimé la partie actuelle
Le scénario de La daronne me semble encore plus improbable que celui-ci…
C’est vrai que les deux parties ne s’emboîtent pas très bien, mais retrouver la plume incendiaire d’Hannelore Cayre est un régal en soi. J’attends le prochain.
Elle a en effet un style bien à elle tout à fait réjouissant.
J’ai aimé l’humour et la virulence de l’autrice dans tous les textes que j’ai lu d’elle, dont la fameuse daronne ! Une amie m’avait parlé de cette construction boiteuse et décevante, donc je vais attendre le prochain titre.
Disons que c’est assez déséquilibré. Et que certains rebondissements de la partie actuelle me semblent tellement improbables que je n’adhère pas.
Je ne compte pas le lire, d’autant que j’avais déjà détesté La daronne.
Merci pour ton retour!
Je crois qu’avec un style pareil, c’est tout ou rien !
Je n’avais pas aimé la daronne, du coup, je ne pense pas lire celui-là…
Je ne sais pas ce que tu n’as pas aimé mais si c’est le style alors tu retrouverais le même ici.
Une auteure que j’adore.
J’avais bien aimé « Comme au cinéma » ou « Commis d’office », un peu moins « La Daronne ». Ce n’est pas le style qui est en cause, plutôt un petit manque de crédibilité.
Possible que j’en lise d’autres. Mais pour La Daronne, j’ai vu la bande annonce de l’adaptation et je me suis dit que ça serait vraiment trop, vraiment excessif dans le scénario.
j’avais adoré La Daronne mais celui-ci m’était tombé des mains, je n’y ai pas cru une seconde… déception, donc.
Je crois que quand on souhaite un minimum de crédibilité, ça n’est pas la bonne adresse…
Pour La daronne, j’ai d’abord été gênée par cette invraisemblance que tu évoques, et puis au cours de la lecture, j’ai trouvé que c’était tellement bien assumé par l’auteure que c’est finalement ce qui me plus plu. Elle y déploie un ton hybride, mélange d’humour et de sordide, vraiment atypique, et réjouissant, comme tu dis.
Et au fait, ça fait une participation à « Lire autour du handicap » ! 🙂
Elle a au moins un style reconnaissable, ce qui n’est pas donné à tous les écrivains. Ok pour « Lire autour du handicap » (même si ce n’est pas le sujet principal ?).
Sont éligibles les titres traitant du handicap ou dont l’un des personnages principaux est handicapé, donc ça marche !
Hannelore Cayre et Noëlle Renaude sont incontournables pour moi. C’est un vrai bonheur, ces colères, ces outrances et qu’importe si ce n’est pas toujours très crédible.
Il me reste encore à découvrir Noëlle Renaude, une plume elle aussi originale d’après ce que j’ai pu lire un peu partout.