Dopamine de Patrick Bard

Le juge Romain Segara reçoit dans son bureau les protagonistes d’un crime qui le touche particulièrement. Louna, la victime, est collégienne, elle a l’âge de sa fille et elle a été assassinée par deux camarades de classe. Comment et pourquoi Emma et Enzo, quinze ans, en sont-ils arrivés à tuer Louna ? C’est tout le sujet de Dopamine, roman pour adolescents (mais pas que) de Patrick Bard que je découvre à l’occasion de cette lecture.

Le roman s’ouvre sur la découverte du cadavre de la jeune fille flottant dans la Marne à la hauteur de Champigny. Elle a été rouée de coups puis jetée dans la rivière où elle s’est noyée. Assis dans le bureau du juge, Emma et Enzo restent mutiques. On les découvre peu à peu grâce à plusieurs témoignages et flash back.

Tous deux sont des adolescents très solitaires, élevés par leurs seules mères. Ils ne communiquent que via des écrans, vivent avec un smartphone à la main et n’envisagent pas la vie sans. Le confinent du printemps 2020 ne fait qu’accentuer cette tendance.

Emma a connu les foyers pour enfants. Elle est asociale, méchante si besoin : elle a déjà harcelé des camarades en ligne par besoin de reconnaissance. Elle n’aime personne. Enzo vit dans sa bulle, accro aux jeux vidéo, il ne s’est jamais remis de la mort de son père. Il entame une relation « amoureuse » avec une I.A. (un robot) qui le comble, jusqu’à ce que sa mère intervienne.

Quand Emma intègre la classe de Louna et Enzo, elle est mise à l’écart. Mais contre toute attente, la brillante et charismatique Louna s’intéresse à elle, devient son amie. Elle devient aussi la petite amie d’Enzo, mais leur relation ne dure pas. Par contre, par défi, Emma drague Enzo et les deux adolescents vont vivre un amour totalement fusionnel : ils ne peuvent plus se passer l’un de l’autre. De cet amour naît la haine pour Louna.

Il existe sans doute de nombreux livres et romans sur la dépendance des adolescents aux réseaux et à Internet. Celui-ci s’adresse aux jeunes eux-mêmes et ne leur apprendra rien qu’ils ne savent déjà. Ce qui me semble intéressant c’est le manque total d’empathie des deux jeunes meurtriers. On les dirait totalement dépourvus de sentiments (comme les robots) à l’encontre d’autres qu’eux-mêmes. Comme si les autres étaient des choses et pas des êtres humains. C’est ce qui est le plus glaçant dans ce roman.

Quant à la dopamine du titre, elle est détaillée dans le roman par un certain Martin Azimov (comme les robots), pédopsychiatre. C’est un neurotransmetteur qui influe sur le comportement. La dopamine est secrétée lorsqu’un de nos besoin fondamentaux est assouvi et elle fait du bien. C’est une récompense et donc une dépendance. Car il en faut toujours plus au cerveau. Et aujourd’hui, le besoin de reconnaissance virtuelle (sur les réseaux) active celui toujours grandissant de dopamine. Il faut toujours plus de like, de vues, d’abonnés pour apporter satisfaction. Certains sont prêts à tout pour recevoir encore et encore leur shoot de dopamine : c’est l’engrenage, le toujours plus.

Dopamine aborde quantité de thèmes très intéressants comme la dépendance affective aux machines, la perte de notion entre le Bien et le Mal, l’isolement social et affectif, le harcèlement, les dégâts psychologiques du confinement… Et au final, le grand remplacement des humains par des machines. Beaucoup de thèmes mais pourtant rien de trop car tout est lié. Et tellement vraisemblable, malheureusement… Patrick Bard s’est d’ailleurs inspiré d’un fait divers, un parmi de nombreux autres, peut-être s’agit-il de celui-là.

 

Dopamine

Patrick Bard
Syros, 2022
ISBN : 978-2-74-853056-8 – 207 pages – 16,95 €

 

Sur le même thème :

10 commentaires sur “Dopamine de Patrick Bard

  1. J’avoue que je suis un peu réticente avec la littérature jeunesse, je crains de ne pas y trouver mon compte en matière de profondeur notamment. Sans doute à tort, comme ton billet le démontre…

    1. et il y a déjà beaucoup à lire par ailleurs… Je ne connais pas ce monde des réseaux sociaux, ces harcèlements et je n’ai plus d’ados, fort heureusement. C’est pourquoi j’ai trouvé ce roman intéressant, pas démonstratif avec une langue qui sonne juste.

    1. Oui, ils sont à plaindre… comment faire pour être intégré sans être décervelé par ce monde virtuel qui fait tant de dégâts… pour se tenir à l’écart de tout ça, il faut avoir une personnalité extrêmement forte, je crois.

    1. Personnellement, j’ai arrêté tous les réseaux sociaux, je n’ai pas du tout envie d’affronter ce monde de cinglés, de concurrence, de non droit, de non respect et d’anonymat.

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s