La rivière de Peter Heller

Vous prenez deux jeunes mâles américains, vous les mettez dans un canoë et vous les laissez descendre des rapides dans le Nord du Canada. Pour bien faire, vous allumez un incendie en aval. Comme ils sont bien préparés, équipés, entraînés, vous leur ôtez petit à petit leurs ressources tandis que parallèlement, l’imprévu pointe son nez. Et vous obtenez un nature writing à suspens.

Les deux mâles, ce sont Jack et Wynn. Ils sont amis depuis longtemps, ils ont déjà fait ce genre de sortie nature mais cette fois, c’est le grand jeu, le vrai défi. Wynn, c’est le gentil, le gars humain et compatissant, limite naïf. Jack, c’est le méfiant, celui qui a le sens des réalités et qu’on n’entourloupe pas.

Le premier contretemps apparaît rapidement : au loin, précisément là où ils vont, la forêt est en flamme. On y va quand même ? On y va quand même. Ensuite, eux qui s’espéraient seuls face au grand tout constatent rapidement que d’autres ont eu la même idée qu’eux. D’abord un couple de poivrots, genre bas du front avec lesquels Jack et Wynn n’ont pas vraiment envie de faire route. Puis un autre couple, un homme et une femme en pleine engueulade, décidément, on n’est tranquille nulle part…

Ils devancent tous ces indésirables pour goûter tant que faire se peut les joies de la solitude. Mais voilà qu’à l’occasion d’un campement, un canoë apparaît avec à son bord l’homme du couple aperçu quelques heures plus tôt : où est la femme ? L’homme, prénommé Pierre, est blessé et en larmes. Il explique que sa femme Maia a disparu, on l’a certainement enlevée, alors il descend la rivière pour aller chercher de l’aide.

Maia s’est-elle perdue ? A-t-elle été attaquée par un ours ? Par les deux poivrots qui rôdent sur la rivière ? Ni une ni deux, Jack et Wynn décident de remonter la rivière pour aller chercher l’épouse disparue. Jack parce que l’aventure c’est l’aventure, Wynn par pure bonté d’âme. Et c’est là que le suspens commence parce qu’en effet, il est arrivé quelque chose à Maia et que son/ses agresseur/s est/sont bien décidé/s à se débarrasser d’elle définitivement. Dès lors, le danger se cache derrière chaque boucle de rivière, plus aucun bivouac n’est sûr.

N’étant pas une grande fan de nature writing, j’espérais bien que cette descente de rivière allait prendre une tournure moins contemplative. C’est formidable l’harmonie homme/nature et la testostérone à l’assaut des éléments mais sur une dizaine de pages seulement. C’est donc une très bonne chose que l’aventure prenne une autre tournure et qu’un suspens efficace s’installe.

Il faut aimer les loooongues parties de pêche entre hommes, les manœuvres en bateau et les termes techniques qui vont avec (c’est un brin longuet). Il faut accepter les tics d’écriture à l’américaine qui font que beaucoup d’événements sont prévisibles (le chapitre 20 par exemple, pas si surprenant que ça car beaucoup de signes le laissent entrevoir). En contrepartie, on lit quelques beaux passages sur la forêt et une belle descente en canoë au milieu de l’incendie. Tout en se disant quand même que Délivrance, c’était mieux (Peter Heller y fait deux fois référence).

 

La rivière

Peter Heller traduit de l’anglais (américain) par Céline Leroy
Actes Sud, 2021
ISBN : 978-2-330-15120-1 – 295 pages – 22 €

The River, parution originale : 2019

 

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27 commentaires sur “La rivière de Peter Heller

  1. Je l’ai lu en décembre, il faudrait que je fasse un billet. J’ai trouvé la première partie du roman très longue, surtout que j’avais déjà beaucoup peiné sur « le lac de nulle part » de Pete Fromm. Les portages, la préparation du camp, le café qui chauffe, j’en avais par dessus la tête. Heureusement, à partir de l’arrivée de Pierre ça bouge et ça n’arrête plus. Au final, j’ai aimé, mais moins que certaines blogueuses (coucou Kathel).

  2. Je ne devais pas être d’humeur assez contemplative car j’ai assez vite lâché l’affaire, n’ayant pas la patience d’attendre que le suspense s’installe, mais la description de l’environnement était réussie.

  3. Je pense que c’est le genre d’histoire qui pourrait me plaire (si les parties de pêche, les manœuvres techniques et les démonstrations de testostérones ne sont pas trop longues). Ta critique m’a beaucoup fait rire !
    Dans la même veine (descente en Canoë mais avec au moins une fille), il y a « Le lac de nulle part » de Pete Fromm… je ne garantie pas que ça te plaira.

  4. Ah un ami du club de lecture l’a lu et a bien aimé. Il aime bien les trucs un peu bizarres dans la nature, avec plein de choses pas prévues (oui, je résume super bien). C’est une idée de lecture.

  5. J’ai vraiment beaucoup aimé ce roman, (coucou Aifelle), n’y ai trouvé aucune longueur. Pourtant les parties de pêche, ce n’est pas vraiment ce que j’adore, mais bon, je suis fan de l’écriture de Peter Heller, je crois, car tout passe.

    1. Oui, je comprends, certains auteurs peuvent écrire sur n’importe quoi, on les suit car c’est plus une question d’écriture et/ou d’ambiance que d’histoire racontée. En tout cas, c’est parce que tu l’as plusieurs fois très bien chroniqué sur ton blog que je l’ai lu alors merci pour cette découverte.

  6. C’est mon créneau en général, mais je crains l’écriture de l’auteur (par pitié, je veux des phrases et des paragraphes longs!)

      1. J’ai regardé les 2 à la bibli, ont L constellation du chien, et peindre, etc. mais la façon d’écrire, heu, faudrait m’y faire

  7. Bon, j’ai sérieusement tourné autour, je ne me suis pas décidée. J’adore ton premier paragraphe, tu m’as embarquée avec ta chronique, vais aller plus loin sur la rivière ?

  8. J’aime le nature writing, par contre je ne m’intéresse pas du tout à la pêche… et puis, je commence à me fatiguer des histoires de mâles (américains ou pas) (je fais malgré tout encore des exceptions de temps en temps).

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