Crépuscule de Philippe Claudel

Crépuscule de Philippe Claudel

Pour renouer avec Philippe Claudel, je l’ai suivi jusqu’à un improbable village aux marches de l’Empire. Quel empire ? On ne le saura pas précisément mais quelque chose comme l’Autriche-Hongrie. Des traces de grandeur subsistent encore dans l’administration impériale alors que dans les faits, la fin est proche. On vit relativement tranquille dans ce village gris et froid où il ne se passe rien. Mais c’est sans doute parce qu’il ne se passe rien que les jours s’écoulent sans incident, sans incendie.

Puis le curé est retrouvé mort, assassiné à l’évidence. C’est du travail pour Nourio, le Policier et Baraj, son Adjoint. L’enquête sur la mort du curé structure le roman qui n’est pas pour autant un roman policier traditionnel. Car c’est bien plus à Nourio et au village que s’intéresse Philippe Claudel. Et ce Nourio, pas de doute, n’est pas un personnage attachant, attirant, charismatique (ou tout autre adjectif qu’on accole généralement aux héros de roman). Nourio est hautement ambivalent avec un penchant pour le franchement détestable. Il a pour lui d’être moins idiot que les autres villageois. Il semble plus clairvoyant sur ce qui se trame. Sauf quand son orgueil prend le dessus. Nourio est un homme suffisant qui sombre dans le ridicule tant il se gonfle d’importance. Il pourrait être comique. Mais Nourio est aussi un obsédé sexuel, en rut permanent. Sa pauvre épouse fait les frais de son priapisme sans broncher, enchaînant les enfants que lui Nourio au mieux ignore.

S’il n’y avait que cela… Philippe Claudel choisit de faire de Nourio un criminel universellement détesté, plus décrié aujourd’hui qu’hier : un pédophile. La toute jeune Lémia, unique témoin dans la mort du curé, est l’objet de toutes ses pensées y compris les plus perverses. Nourio est sans cesse assailli par ses pulsions. Il observe la jeune fille ou l’interroge et l’interroge encore pour l’avoir tout près de lui. Cette proximité donne une extrême tension au texte car le lecteur se demande si le Policier saura raison garder.

Dans le village, le meurtre du curé semble avoir détruit les derniers faux semblants entre habitants. Les musulmans qui forment une très petite partie de la communauté deviennent la cible d’attaques de plus en plus violentes. Partout il se murmure que ce sont eux, forcément eux qui ont tué le curé. Pourquoi les supporter plus longtemps ? Le médecin prédit le pire avant de s’enfuir, signant pour les catholiques sa culpabilité.

J’ai par le passé beaucoup apprécié Philippe Claudel mais avec Crépuscule, j’ai peiné. Le récit de la vie du village dans lequel il ne se passe pas grand-chose est extrêmement long et très répétitif. Les descriptions de Nourio sont interminables et si elles installent une ambiance et une tension, elles engendrent aussi l’ennui. J’ai apprécié en revanche que l’auteur choisissent un être aussi détestable comme personnage principal. C’est un homme qui aurait pu être intelligent si sa raison ne se laissait dominer par son sexe, son orgueil et son ambition.

L’indétermination du lieu et de l’époque range Crépuscule dans le genre du conte. Les thèmes de l’intolérance, du fanatisme et de l’obsession en font un conte noir dans lequel on pourrait étouffer si quelques personnages lumineux (Lémia et Baraj) n’apportaient une touche d’espoir. Il n’en reste pas moins que l’ensemble est beaucoup trop long pour rester captivant de bout en bout.

Philippe Claudel sur Tête de lecture

 

Crépuscule

Philippe Claudel
Stock, 2023
ISBN : 978-2-234-09477-2 – 508 pages – 23 €

 

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21 commentaires sur “Crépuscule de Philippe Claudel

    1. Non malheureusement. Pourtant, je me souviens encore avoir été happée dès les premières pages des Ames grises par le style merveilleux… que je n’ai pas retrouvé ici…

  1. Je passe mon tour. J’ai aussi lu des romans de Philippe Claudel que j’ai bien appréciés (Le rapport de Brodeck, Les âmes grises, L’enquête). Là, ce que tu décris ne me tente pas du tout et je te remercie de l’avoir fait.

  2. justement je n’ai pas encore lu les ames grises (de peur d’une lecture déprimante) mais bon si je fdois lire un claudel, ce sera celui-là je pense parce que ta description de Crépuscule fait un peu froid dans le dos

  3. Je n’ai pas lu celui-ci et j’avoue que j’ai moins envie de le lire depuis quelques temps. J’ai moins aimé ses derniers romans romans que les précédents.

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